Le câble et les ondes

Panorama des solutions retenues pour desservir villes et campagnes dans les meilleures conditions techniques. Une question demeure : à quel prix ?

Publié le 5 novembre 2006 Lecture : 5 minutes.

Le plus simple pour se connecter à Internet est de tirer profit de sa liaison téléphonique fixe, avec un modem limité à 56 kilobits par seconde (kb/s). Mais cette connexion lente (dite RTC, voir tableau) impose de choisir entre téléphoner et surfer sur Internet. L’arrivée du haut débit ADSL, qui va de 128 kb/s jusqu’à 4,8 ou 12 Mb/s, change la donne pour l’utilisateur. Mais aussi pour l’opérateur de télécoms, qui doit effectuer des travaux importants sur son réseau. D’une part, il lui faut être relié au monde dans de bonnes conditions et disposer d’un signal assez fort pour ses abonnés que, d’autre part, il doit desservir par des liaisons appropriées. Celles-ci sont généralement assurées par un réseau de câbles à fibres optiques, souvent complétés par des liaisons sans fil. La grande nouveauté dans ce domaine a été l’arrivée de WiMax, un standard dans l’esprit de WiFi, mais destiné aux liaisons extérieures et fonctionnant sur des distances de plusieurs kilomètres.
« C’est ce que nous avons installé pour Giganet, le premier opérateur alternatif burkinabè, à partir du réseau national d’Onatel, témoigne Bernard Bensoussan, directeur de Datavolt. Un réseau de collecte en WiMax lui a permis de conforter son offre Internet pour les professionnels. » Les derniers kilomètres ou centaines de mètres, nécessaires pour connecter l’utilisateur à Internet haut débit, sont nommés la Boucle locale (BL), qui, pour l’ADSL, peut aussi passer par la ligne téléphonique. Comme les données Internet sont transmises à une autre fréquence que la voix, il est possible de téléphoner tout en surfant sur Internet. Mais toutes les lignes téléphoniques fixes n’ont pas la qualité nécessaire pour accepter l’ADSL, et l’obtention d’un raccordement téléphonique demande parfois beaucoup de patience. Une solution populaire en Afrique est donc la BLR (Boucle locale radio) réalisée à partir de technologies sans fil. Au départ, ces matériels d’émission et de réception sans fil utilisaient des formats propriétaires de type Cisco ou Alvarion pour coder les données ; dorénavant, c’est le standard WiFi qui prédomine et qui a fait fortement chuter les coûts.
Pour cette boucle locale, une nouvelle technologie, le Courant porteur en ligne (CPL), est devenue mature depuis peu. Les données Internet transitent par le réseau électrique existant soit à l’intérieur d’un bâtiment soit à l’extérieur, par exemple pour l’éclairage public. Le principe consiste à superposer au signal électrique un autre signal à plus haute fréquence et de faible énergie. L’installation d’un tel réseau est simple à l’intérieur d’un immeuble, sous réserve que le réseau électrique soit suffisamment fiable, mais elle est soumise à davantage de contraintes pour les installations extérieures qui peuvent créer des interférences. Sénélec, la Société nationale d’électricité du Sénégal, vient d’expérimenter cette nouvelle technologie, et le bilan est plutôt enthousiasmant. Le réseau électrique, malgré ses insuffisances, présente une meilleure couverture que le réseau des télécommunications. Il est aussi plus facile d’équiper les écoles, les centres universitaires ou les hôtels. Pas besoin de câblages puisque l’électricité est déjà distribuée dans les immeubles. Un équipement est connecté au réseau à l’entrée du bâtiment et, automatiquement, toutes les pièces pourvues d’une prise spéciale ont accès à Internet, même à plusieurs étages de distance.
Le réseau de la téléphonie mobile est lui aussi bien développé en Afrique. Les téléphones haut de gamme, dotés de grands écrans couleurs, permettent de transmettre du contenu Internet avec une qualité de plus en plus grande. C’est ce que propose le standard GPRS (voir tableau), qui équipe un nombre croissant d’appareils neufs. La prochaine génération de téléphonie mobile UMTS, compatible avec les réseaux GSM ou GPRS existants, permettra des communications multimédias à très haut débit, avec une fluidité comparable à celle d’une connexion ADSL. Tout un ensemble de services novateurs comme la visiophonie, la télévision ou les jeux deviennent envisageables. La stratégie des opérateurs africains est d’augmenter progressivement le débit. MTN au Cameroun, Celtel en Tanzanie, Areeba au Ghana, entre autres, proposent à leurs abonnés des échanges de données Web par l’intermédiaire de leurs téléphones mobiles GPRS. Le premier service de base pour l’utilisateur est d’envoyer et de recevoir des courriels avec son téléphone. Il peut aussi se tenir au courant des dernières nouvelles et informations. Il peut aussi surfer sur Internet depuis un ordinateur PC ou portable, son téléphone mobile lui servant alors de modem. À la différence d’une solution WiFi, qui offre un débit plus grand mais oblige à rester proche de l’émetteur, celle-ci est totalement mobile.
Pour la régularité du signal reçu par l’utilisateur, il n’est pas indifférent de savoir comment le fournisseur est relié au reste du monde. Plusieurs liaisons sous-marines assurent la connexion de l’Afrique du Nord avec l’Europe et l’Asie. Tout l’ouest du continent est relié depuis 2002 via le câble sous-marin SAT3, d’une longueur de 28 000 km. Les pays côtiers, comme le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou le Gabon, ont vu la capacité de leur liaison internationale (la bande passante) bondir. Au Sénégal, en moins de deux ans, le débit de la bande passante a été multiplié par deux, passant de 512 Mb/s en novembre 2004 à 1,24 gigabits par seconde le mois dernier. Cette évolution va se répercuter à son tour vers les pays voisins du Sénégal, Mali, Mauritanie, Guinée et jusqu’au Burkina. À l’est du continent, la concrétisation du projet de câble sous-marin Eassy est attendue avec impatience (voir encadré ci-dessous). En l’absence de liaison par câble, le satellite s’impose, mais c’est la solution la plus coûteuse sur le long terme.
Des efforts doivent encore être faits pour que les marchés africains deviennent davantage transparents dans ce domaine. Trop souvent, malgré la présence de nombreux fournisseurs qui sont en réalité des revendeurs, l’accès à Internet du pays est contrôlé par l’opérateur national, ou l’opérateur historique s’il a été privatisé. En l’absence de concurrence, les prix pratiqués restent élevés, au détriment des internautes. Un expert britannique, Russell Southwood, estime que le câble sous-marin SAT3, dont l’utilisation est réservée à un nombre limité d’opérateurs (ceux qui ont participé à son financement), maintient aussi des prix anormalement élevés. Le consortium SAT3 a rentabilisé ses investissements en cinq ans en vendant de petits volumes de transmission de données à des prix très élevés. Le câble étant maintenant remboursé, les tarifs de transmission de données entre l’Afrique et le reste du monde pourraient être cinq fois moindres.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires