Cinquante ans de solitude

Publié le 5 octobre 2008 Lecture : 2 minutes.

Ce fut, il y a tout juste cinquante ans, une indépendance historique et exemplaire. La première d’Afrique noire francophone, la seule conquise et non octroyée par le maître colonial. Faudrait-il, à cette occasion, réhabiliter la figure de celui qui incarna cette page glorieuse de l’histoire de la Guinée, Ahmed Sékou Touré ? Même si l’on permettra à ce journal de n’éprouver aucune nostalgie pour un homme qui l’interdit de diffusion pendant la quasi-totalité de son règne, c’est aux Guinéens, pas à nous, de répondre à cette question. Or nul ne la leur pose. Aucun bilan, aucun inventaire des « années Sékou » n’a jamais été officiellement dressé en Guinée, aucun travail de mémoire pour les victimes, aucune commémoration gouvernementale, ni stèles, ni fleurs, ni couronnes. Point d’orgue choquant de cette volonté de faire table rase du passé : dans son médiocre discours du 2 octobre consacré au cinquantenaire de l’indépendance de son pays, le président Lansana Conté n’a pas une seule fois prononcé le nom de son prédécesseur.

Pourquoi cette amnésie calculée ? Parce que, un quart de siècle après la mort du dictateur, la Guinée n’a toujours pas connu de vraies élections libres. Parce que ce pays a troqué l’exil politique du tiers de sa population contre l’exil économique du quart de sa jeunesse. Parce que les 9 millions de Guinéens végètent à la 160e place sur 177 au classement mondial du Pnud. Parce que, si la police politique et les tortionnaires du camp Boiro ont disparu, il y a aujourd’hui en Guinée plus de corruption, plus de criminalité, plus de malnutrition, moins d’État, de routes carrossables, d’eau et d’électricité pour tous que sous Sékou Touré. Parce que, bilan contre bilan, en somme, il n’est pas sûr que celui de la seconde moitié de ce cinquantenaire soit moins mauvais que le premier.

la suite après cette publicité

De Sékou Touré, de son « non » à de Gaulle et des années de braise qui ont suivi l’indépendance, les Guinéens ont hérité une conception autarcique, solitaire et ombrageuse du nationalisme, une fierté aussi qui fait que l’extérieur et singulièrement la France, ses pressions et ses leçons, comptent moins ici qu’ailleurs. Mais, depuis la célèbre petite phrase prononcée il y a un demi-siècle par celui qui était alors un héros continental – « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage » -, il n’est pas sûr qu’ils aient beaucoup progressé sur le chemin de la prospérité et de la démocratie.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires