Balafon psychédélique

Le balafoniste malien Lansine Kouyaté sort un album réalisé avec le vibraphoniste français David Neerman. Une rencontre entre rock wah-wah et sons mandingues, pour un résultat surprenant.

Publié le 5 octobre 2008 Lecture : 2 minutes.

On pourra reprocher une pochette et une présentation sommaires voire austères, mais là n’est pas l’essentiel. Kangaba, le dernier disque du balafoniste malien Lansine Kouyaté, sorti sous le label No Format !, confirme une tendance lourde. La volonté des sidemen – ces musiciens qui accompagnent de grandes stars de prendre leur envol. Entendez, enregistrer sous leur nom, signer leurs compositions et faire découvrir toute l’amplitude de leurs instruments relégués, à tort, au rayon des « instruments traditionnels ».
Après le n’goni de Bassekou Kouyaté (Segu Blue, voir J.A. n° 2472) ou la kora de Toumani Diabaté (The Mande Variations), c’est au tour du balafon (sorte de xylophone en bois dont le son est amplifié par des calebasses rattachées à chaque latte) d’entrer en scène. Et pas n’importe lequel. Celui d’un maître incontesté dans son pays, qui a accompagné notamment Salif Keita et Mory Kanté. Mais qui est malheureusement moins connu en dehors du Mali.
Cet opus viendra-t-il corriger cette dernière réalité ? Sans doute. Car Kangaba n’est pas seulement un vibrant aperçu de la musicalité de Kouyaté et de l’étendue, à la fois rythmique et harmonique, de l’ancêtre du xylophone. Il réside surtout dans la rencontre et la confrontation inédites avec le vibraphoniste français David Neerman.
Deux virtuoses donc, qui font de ces dix morceaux une ode au « piano à lames ». Depuis ses débuts, dans les années 1990, Neerman est habité par l’obsession de ne pas s’enferrer dans un jazz étriqué. Il veut multiplier les expériences et confronter sa sensibilité à d’autres cultures. Le Mali l’a naturellement ramené aux sources. Lancinantes, les ballades intimistes aux rythmiques jazzy (« Tiziri », « Boloba », « Le Destin II », « Momo ») côtoient les pures sonorités mandingues (« Niokome »). Pendant que Kouyaté produit un riff sur deux notes, son frère d’armes musicales lance un chorus avant de renverser la combinaison et de laisser le soin à Kouyaté, fils de la grande griotte disparue Siramory Diabaté, d’improviser. La basse discrète de l’Américain Ira Coleman et la batterie non moins efficace du Français Laurent Robin coordonnent le tout.
L’originalité réside surtout dans le son afro-psychédélique obtenu grâce à l’amplification électrique du vibraphone de Neerman, dont les envolées nous plongent dans des vapeurs hendrixiennes, à la frontière entre la guitare de feu Ali Farka Touré et la trompette wah-wah de Miles Davis. On en redemande ! En invité spécial ? Mamani Keita et Moriba Koita, respectivement au chant et au n’goni sur « Touma », ainsi que Cheick Tidiane Seck, qui joue du dunumba (petit tambour) sur « Sara ».
N’exigez pas du balafon ni de son cousin métallique qu’ils sonnent comme un orchestre symphonique. Tous deux peuvent en revanche vous transporter et remettre en question bien des certitudes. Le fruit de cette rencontre incitera-t-il d’autres grands représentants du vibraphone tels Bobby Hutcherson ou Gary Burton à se frotter au soleil malien ? On l’espère.

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