De l’ordre dans les rangs

Le pouvoir compte sur la réforme des forces de défense pour gérer au mieux les rébellions qui menacent le processus de pacification.

Publié le 5 août 2007 Lecture : 4 minutes.

Requinqué par le bon déroulement global du processus électoral et la mise en place de nouvelles institutions, la RDC s’engage néanmoins sur les sentiers du développement avec un caillou dans la chaussure : l’insécurité dans les deux Kivus, dans l’est du pays. Selon la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (Monuc), les attaques contre les populations et les travailleurs humanitaires ne cesseraient d’augmenter. Au cours du mois de juin, 18 000 personnes ont fui les combats opposant les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) aux rebelles hutus du Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR) qui ont fait du Sud-Kivu leur base arrière. La Croix-Rouge accuse les FDLR de violences sexuelles et de pillages (récoltes, cheptel, maisons). Et la situation s’est nettement détériorée depuis que le général Laurent Nkunda s’est radicalisé. Cet ancien officier des forces armées régulières entré en rébellion pour « protéger les intérêts de la minorité tutsie congolaise, victime de discrimination », avait passé, en janvier 2007, un accord avec Kinshasa, portant sur l’intégration de ses hommes au sein des FARDC. Malgré quelques incidents, le processus semblait conduire les deux Kivus vers une progressive pacification. Mais, le 9 mai dernier, Nkunda a dénoncé l’accord et fait planer, du même coup, le spectre de la « balkanisation » en RDC.
À Kinshasa, l’exaspération est à son comble. Le ministre de la Défense, Chikez Diemu, accuse le chef rebelle de faire de la « surenchère » et menace de le « traquer ». Comme lui, les « faucons » de l’entourage présidentiel veulent en découdre. Éradiquer la rébellion permettrait, selon eux, de restaurer l’autorité de l’État dans les deux provinces de l’Est. Mieux, la solution militaire donnerait un signal clair aux turbulents voisins de la RDC : le pays est désormais gouverné par un pouvoir légitime qui entend bien exercer sa pleine souveraineté sur tout son territoire. Les tenants de la solution politique soutiennent, quant à eux, que le président ne devrait pas engager une nouvelle guerre à l’Est, au moment où la reconstruction et le retour des investisseurs pourraient relancer l’économie. En outre, les Congolais veulent en finir avec ces deux conflits armés qui ont déjà fait plus de 4 millions de morts, plusieurs millions de déplacés, impliqué cinq pays étrangers et près de douze groupes armés. Du côté de l’opposition, l’ancien vice-président du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), Azarias Ruberwa, met en garde le gouvernement contre « toute aventure militaire » impliquant des dépenses que l’État ne pourrait assumer.

Pour l’instant, rien ne permet d’affirmer que le chef de l’État Joseph Kabila soit prêt à consentir un nouvel effort de guerre à l’orée d’un quinquennat qu’il veut consacrer à la réalisation de ses chantiers prioritaires. Le pouvoir semble pencher davantage pour une solution négociée. Ce qui lui vaut d’être accusé de faire le jeu de Laurent Nkunda et des soutiens qu’on prête à ce dernier dans la région des Grands Lacs. L’objectif serait, en fait, de rechercher une solution durable qui donnerait des garanties de sécurité et d’intégration à la minorité tutsie que les mutins prétendent défendre. Lors du lancement de son mouvement politico-militaire, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), en juillet 2006, Laurent Nkunda a affirmé qu’il répondrait à « toute tentative d’exclusion des groupes minoritaires du nouveau gouvernement ». « Il est indéniable qu’il règne une certaine rwandophobie dans le pays », soutient un Tutsi congolais pourtant bien intégré dans les milieux d’affaires de Kinshasa. « Nous ne sommes d’ailleurs pas représentés au gouvernement. Et nous ne comptons qu’un seul député et deux sénateurs. »

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Sur ce délicat dossier, Kabila avance à petits pas, mais sait qu’il ne pourra pas faire l’autruche bien longtemps. Exaspéré par les lenteurs dont est victime la réforme du système de sécurité et des forces de défense, le chef de l’État souhaiterait que les effectifs des FARDC soient rapidement maîtrisés. Le processus de « brassage » et d’intégration progressive des combattants rebelles au sein des troupes de l’armée régulière rend sa cohésion difficile. En juillet et août 2006, le brassage a provoqué des affrontements entre des soldats nouvellement intégrés, mais restés fidèles à Laurent Nkunda, et des hommes de la 9e brigade des FARDC. Deux civils ont été tués et treize autres blessés.
La couverture de l’immense territoire congolais est, elle aussi, problématique. Police et armée ne disposant pas, à l’heure actuelle, de véhicules en quantité suffisante pour pouvoir intervenir rapidement sur tout le pays, la réforme des forces de sécurité prévoit de fournir des moyens matériels supplémentaires aux unités. Avec l’aide de partenaires, comme la Monuc, le gouvernement souhaite former les hommes de troupe adaptés à un contexte d’après-guerre. Le défi étant de disposer de militaires et de policiers intègres et responsables. Des hommes qui soient capables de gérer des crises autrement que par des tirs dans la foule comme cela a été le cas fin janvier dernier dans le Bas-Congo. Selon le rapport de la Monuc publié le 29 juillet dernier, cette intervention disproportionnée des forces de sécurité aurait coûté la vie à 105 personnes. L’Union européenne a également été sollicitée pour contribuer à la restructuration de la police congolaise. Pendant douze mois, à compter du 1er juillet 2007, la mission Eupol RD Congo va soutenir la mise en place d’une police multiethnique et professionnelle. Et tâcher d’améliorer ses interactions avec la justice pénale.

Mais « la misère des casernes » reste le principal souci des autorités congolaises. Difficile, en effet, d’encadrer un soldat qui ne perçoit pas toujours son salaire mensuel (moins de 20 dollars). La corruption ne disparaîtra qu’à condition de revaloriser le pouvoir d’achat des « corps habillés ». La réforme des forces de sécurité, condition sine qua non de l’assainissement de l’environnement des affaires et de la sécurité des personnes et des biens, nécessite plus que jamais le concours accru de l’aide internationale.

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