Le paradoxe français

Publié le 5 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

Montée du chômage, crainte de la privatisation des retraites et des soins de santé, peur de la mondialisation, des délocalisations et de la concentration des entreprises qui font que, d’un jour à l’autre, un employé peut se retrouver sur le carreau ou parachuté à Munich ou à Bucarest… Le non au référendum du 29 mai sur la Constitution européenne a sa justification économique et sociale. Leur pays a beau être la cinquième puissance économique mondiale, les Français sont angoissés quant à leur avenir. Ils ne sont pas contre l’Europe, mais contre une Europe trop libérale susceptible de les exposer un peu plus aux soubresauts du marché et à la concurrence. Un chiffon rouge que n’ont pas manqué d’agiter les opposants à la Constitution. À les en croire, le plombier polonais – comme naguère le maçon portugais ou l’éboueur africain – constituerait aujourd’hui une menace mortelle pour l’emploi des salariés français…
« Tant que deux grands problèmes – la fiscalité et la flexibilité du marché du travail – n’auront pas été résolus, vous aurez un chômage important, une faible croissance et un rejet de l’UE parmi les citoyens », prédit Irwin M. Stelzer, directeur des études économiques au Hudson Institute, un think-tank américain spécialisé dans les questions de compétitivité et d’intégration européenne. Si la France et la plupart de ses voisins du sud de l’Europe ne semblent pas près d’adopter le modèle américain – souplesse et ouverture du marché, d’un côté ; brutalité sociale, de l’autre -, ils seraient néanmoins bien inspirés de prendre en compte les recettes mises en oeuvre par les pays dont les économies sont florissantes. Le dynamisme est aujourd’hui l’apanage du Royaume-Uni (+ 3,1 % de croissance en 2004), du Danemark (2,4 %), de la Suède (3 %) et de la Norvège (2,9 %). Des pays qui ont su trouver un système intermédiaire entre libéralisme et protection sociale. Et qui, surtout, ont su adapter leurs économies aux évolutions mondiales. La libéralisation du commerce change profondément la donne en mettant tous les pays sur un pied de relative égalité. « Les nations riches ne peuvent maintenir des systèmes sociaux généreux qu’en trouvant les moyens de les financer. Or il faut pour cela une grande capacité d’adaptation et un niveau élevé d’éducation, d’innovation, de recherche et de productivité. Sans cela, vous ne parviendrez jamais à protéger des salariés qui entendent travailler 35 heures par semaine contre des gens qui veulent travailler beaucoup plus », ajoute Stelzer. C’est là tout le paradoxe. Les Français n’admettent pas qu’on touche à leur pouvoir d’achat, à leurs avantages et à leur bien-être quotidien. Les enseignants tiennent à leurs vacances, les fonctionnaires à leur retraite et les paysans à leurs subventions. Personne ne s’offusque que de grandes entreprises, voire des PME, françaises vendent leurs produits (avions, technologies de pointe, céréales, vins) à l’étranger, mais chacun rêve de dresser d’infranchissables barrières devant les produits textiles chinois ou les vins chiliens et sud-africains. Et d’empêcher la délocalisation des entreprises hexagonales. En fait, les Français semblent mal dans leur peau. Ils refusent de voir le monde tel qu’il est. Bon courage au prochain gouvernement…

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