Le général Aboubacar Sangoulé Lamizana

Le général Aboubacar Sangoulé Lamizana est décédé le 26 mai à Ouagadougou.

Publié le 5 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Il se faisait de plus en plus discret, mais sa mort soudaine a touché tous les Burkinabè. Le général Aboubacar Sangoulé Lamizana, président entre 1966 et 1980 de l’ancienne Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso, est décédé le 26 mai à Ouagadougou. Il était âgé de 89 ans. Clin d’oeil de l’Histoire, il s’est éteint à la clinique Notre-Dame-de-la-Paix, dirigée par un autre ancien président, Jean-Baptiste Ouédraogo.

Il était né en 1916 dans le petit village de Dianra, près de Tougan, dans la province du Sourou, au nord du pays, au sein d’une famille d’agriculteurs. Les habitants de la région sont d’ailleurs les derniers à l’avoir rencontré : le 21 mai, il était venu parrainer le Festival des masques et de lutte traditionnelle. Après des études primaires quelque peu chahutées – en 1933, l’année même de son certificat d’études primaires, il est renvoyé de l’École régionale de Ouahigouya -, il est recruté par l’armée française. Il y mènera une carrière exemplaire et courageuse. Qu’on en juge : incorporé en 1936 comme tirailleur de 2e classe, il est caporal à l’orée de la Seconde Guerre mondiale et adjudant en 1946. Deux séjours consécutifs en Indochine lui apporteront ses galons de lieutenant. Chef adjoint du cabinet militaire du gouverneur de Côte d’Ivoire entre 1956 et 1959, il part ensuite en Algérie, d’où il reviendra commandant. À l’indépendance de la Haute-Volta, en 1960, le président Maurice Yaméogo lui confie le soin de créer une armée nationale. Il continuera son ascension en passant lieutenant-colonel en 1964 et finira général de corps d’armée en 1973.
1966 est cependant l’année décisive pour Sangoulé Lamizana, alors chef d’état-major général des forces armées voltaïques. Le président se trouve face à une importante grogne populaire et une grève générale, déclenchées par la décision de son gouvernement de réduire le traitement des fonctionnaires et d’augmenter les impôts. Porté par ce mouvement, Lamizana dépose Maurice Yaméogo pour former un gouvernement militaire provisoire, qui va prendre de sévères mesures économiques afin de tenter un redressement financier. Le peuple le suit. Trois ans plus tard, considérant que le plus dur de la crise est passé, il rétablit les libertés politiques et organise des élections législatives. Dans la foulée, en 1970, il fait adopter, par voie référendaire, une nouvelle Constitution qui réserve la charge de président de la République à la personnalité militaire la plus ancienne dans le grade le plus élevé, autrement dit lui-même.

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Le jeune homme de Tougan, celui-là même qui, dans les années 1930, fréquentait quotidiennement le Goumbé, boîte célèbre pour ses joueurs de djembé, s’enracine dans la politique. Avec un régime fort, tempéré de multipartisme et de libertés publiques, la Haute-Volta représente, à l’aube des années 1970, un cas particulier en Afrique subsaharienne. Mais les temps changent et, difficultés économiques aidant, le général Lamizana est tenté par l’établissement d’un parti unique qu’il sera mieux à même de contrôler. En réaction, il se voit confronté à son tour à un fort mécontentement populaire.
Comme dix ans auparavant, c’est l’épreuve de force. Le général-président parvient, dans un premier temps, à la surmonter. Il fait adopter une nouvelle Constitution, aux termes de laquelle il est prévu que les trois partis ayant recueilli le plus de suffrages aux élections législatives d’avril 1978 seront désormais seuls autorisés. Réélu pour cinq ans à la tête de l’État, Lamizana n’arrive cependant pas à vaincre la récession économique et son cortège de mobilisations syndicales. En novembre 1980, un Comité militaire de redressement pour le progrès national, dirigé par le colonel Saye Zerbo, le renverse.

Emprisonné, puis libéré, il va se retrouver, en 1984, devant les Tribunaux populaires de la révolution mis en place par le nouveau chef de l’État, le capitaine Thomas Sankara. Il doit répondre notamment de détournement des deniers publics. Il en sort blanchi et auréolé d’une réputation d’honnête homme, droit et sage. Depuis, ce fervent musulman gardait ses distances avec la politique politicienne. Grand-Croix de l’Ordre national burkinabè, Grand-Croix de la Légion d’honneur française à titre militaire, il n’apparaissait plus que rarement en public. En 2000, il avait publié ses mémoires intitulées Sous les drapeaux (éditions du Jaguar).

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