Maroc : préférence nationale pour la construction du TGV
La préférence nationale a joué à plein dans l’attribution des marchés de la ligne à grande vitesse marocaine. Les groupes locaux ont remporté 51 % des contrats de génie civil.
C’est à un travail de titan que s’attellent les bâtisseurs de la LGV marocaine, la première « ligne à grande vitesse » africaine. « Pour construire le premier tronçon de 200 km entre Tanger et Kenitra, qui doit être ouvert le 20 décembre 2015, il nous faut dégager 67 millions de tonnes de gravats et bâtir sept viaducs », explique Khalid Khairane, qui pilote le chantier pour l’Office national des chemins de fer (ONCF).
« Les exigences techniques demandées par la direction du projet sont sans précédent au Maroc, poursuit-il. Malgré un passage de la rame de TGV à 320 km/h, la voie ne doit pas bouger de plus d’un centimètre sur une durée de trente ans. » Aux côtés de l’énergique chef de projet basé à Rabat, pas moins de 362 ingénieurs travaillent d’arrache-pied pour mettre au point les modalités de construction des infrastructures marocaines, s’inspirant de celles édictées en France par la Société nationale des chemins de fer (SNCF).
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La part du lion
Inauguré officiellement en septembre 2011 par le roi Mohammed VI, le chantier de génie civil a atteint sa vitesse de croisière. « Toutes les études d’avant-projet sont terminées, les douze lots de génie civil – sept pour le terrassement et cinq pour les ouvrages d’art – ont tous été attribués, pour un total de 8 milliards de dirhams [environ 710 millions d’euros, NDLR], soit 40 % du coût de la première phase du projet. Tous les travaux ont démarré », détaille Khalid Khairane.
Si les groupes français ont engrangé la plupart des commandes d’équipements ferroviaires (lire encadré), les entreprises marocaines se sont taillé la part du lion du génie civil. « Pour la construction, nous sommes à 51 % de contrats octroyés à des sociétés locales, mais nous montons jusqu’à 65 % si l’on y ajoute les sous-contractants réalisant des travaux pour nos fournisseurs étrangers », détaille le responsable de l’ONCF.
Clause
Tous les grands groupes du BTP marocain sont présents sur la LGV. SGTM a été retenu pour le grand viaduc d’El-Hachef ; Sonasr, TGCC, LRN et Sintram ont obtenu des lots de déblaiement et de construction des voies. Certaines sociétés du royaume se sont aussi associées pour remporter des marchés, soit avec un groupe étranger, comme Sefiani avec l’égyptien The Arab Contractors, soit entre nationaux, tels l’installateur industriel Jet Alu et le constructeur TGCC, qui bâtissent ensemble l’atelier de maintenance de Tanger.
Si les groupes locaux ont obtenu la part belle du génie civil, ils le doivent en grande partie à la fameuse clause de « préférence nationale ». « Elle stipule que, sur un appel d’offres, les sociétés marocaines sont favorisées par rapport aux groupes étrangers. Sous réserve de satisfaire aux prérequis techniques, elles seront retenues même si elles sont jusqu’à 10 % plus chères qu’eux », indique Khalid Khairane. Une mesure bien accueillie au niveau local, car plusieurs groupes espagnols, italiens et portugais, affectés par la crise en Europe du Sud, s’étaient positionnés sur les lots avec des prix très agressifs, avec une moyenne de 20 soumissionnaires par appel d’offres. « Nous avons même dû écarter des propositions portugaises et italiennes dont les coûts étaient anormalement bas », indique Mehdi Benqassmi, de la direction LGV de l’ONCF.
Le TGV roule aussi pour les Français
Pour construire la ligne, l’État français et l’Agence française de développement (AFD) ont octroyé 920 millions d’euros de financement pour le matériel roulant et les équipements ferroviaires. Sur ce montant, 625 millions d’euros ont été accordés au titre de la Réserve pays émergents, qui impose à l’ONCF de sélectionner 65 % d’entreprises françaises. Du coup, en plus d’Alstom Transport, qui fabrique les rames du train, d’autres groupes hexagonaux ont profité de l’aubaine. Colas fabrique les caténaires de la voie, Cegelec construit les stations électriques et des sociétés d’études françaises, notamment Systra, assistent les Marocains sur tous les chantiers. C.L.B.
Du côté des sociétés marocaines retenues, on reconnaît que, sans la fameuse clause, les chances de remporter les contrats étaient minces. « Elle a été notre bouée de sauvetage », reconnaît Ahmed Kabbaj, patron de SGTM, qui a obtenu un marché de 1 milliard de dirhams sur la construction du viaduc d’El-Hachef, face à l’italien Salini et à des Espagnols. Un chantier bienvenu pour un groupe qui réalise un chiffre d’affaires moyen annuel de 3 milliards de dirhams. Même constat à Sonasr : « Face à nous, pour le tronçon nord [un marché de 430 millions de dirhams], il y avait dix concurrents, notamment des Turcs, des Espagnols et des Chinois », indique le chef de chantier Mohamed Filali. Sonasr réalisera 30 % de son chiffre d’affaires en 2013 grâce à la LGV.
Solidité
D’autres critères ont toutefois joué pour favoriser les sociétés du royaume. « Nous avons été retenus d’abord sur notre offre technique, qui répondait le mieux aux attentes de l’ONCF, mais aussi sur notre solidité financière », estime Omar Tadlaoui, directeur général de Jet Alu. « Depuis la crise en Europe, des sociétés ibériques en difficulté ont mis en péril des chantiers marocains, les derniers exemples en date étant les chantiers de l’autoroute Rabat-Casablanca et de la nouvelle gare de Casa-Port, rappelle-t-il. Dans ces conditions, il était logique que l’ONCF mise sur des nationaux, plus sûrs. »
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