Du pain bénit pour « France Soir »

Publié le 5 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Serge Faubert, rédacteur en chef de France Soir, avait flairé le coup médiatique en décidant de reproduire, dans son édition du 1er février, les douze caricatures danoises du Prophète Mohammed. L’ancien titre phare de la presse parisienne, aujourd’hui en redressement judiciaire, n’en était pas, il est vrai, à son coup d’essai. C’était lui, déjà, qui, dans le courant de l’été 2005, avait choisi de briser l’omerta en révélant le nom de la journaliste du Figaro qui partageait alors la vie de Nicolas Sarkozy. Partisan d’un traitement de choc de l’actualité, Faubert, lui-même candidat à la reprise de France Soir, qui est à vendre, espérait surtout faire remonter des ventes stagnant aux alentours de 45 000 exemplaires. Appuyé par Éric Fauveau, directeur général du journal, et contre l’avis de Jacques Lefranc, PDG et directeur de la publication, il décide, sans prévenir le propriétaire du titre, Raymond Lakah, de monter le sujet en « une », de l’illustrer d’un dessin, commandé à Delize, et de montrer, en pages intérieures, les douze caricatures de la discorde. « Une décision prise aux alentours de 18 heures, un peu dans la précipitation, et sans consulter l’ensemble de la rédaction », déplore un des journalistes.
Le lendemain matin, banco : tiré à 100 000 exemplaires, soit 25 % de plus que le tirage ordinaire, le journal s’arrache dans les kiosques. À Paris, les ventes décollent de 15 %. Dans le monde arabe, en revanche, la provocation passe mal, notamment au Maghreb, où France Soir, qui reste la référence des turfistes, écoule plusieurs centaines d’exemplaires. Le journal est interdit à Tunis, Alger et Rabat. Lakah pique une grosse colère. L’homme d’affaires franco-égyptien (de confession chrétienne) décide de limoger Lefranc, avec lequel il était en conflit larvé, et présente ses excuses à tous ceux dont les croyances et les convictions intimes ont pu être heurtées. Ironie de l’histoire : Lefranc, qui était contre la reproduction des dessins, est remplacé par Fauveau, qui, lui, avait arbitré pour la « une » racoleuse. Au bout de quelques heures, Fauveau, invoquant une incompatibilité d’intérêts – il est, avec Faubert, candidat à la reprise du titre – rend à son tour son tablier. C’est la crise. Mais les islamistes n’en ont cure. La rédaction de France Soir, orpheline, est assaillie de coups de téléphone injurieux et de menaces de mort. Le 3 février, la polémique rebondit : le quotidien Libération décide à son tour de reproduire deux des dessins incriminés, tout en se démarquant ?de leur contenu. Par solidarité, pour informer et « verser des pièces à conviction » au dossier. À Gaza, en Arabie saoudite, en Irak, les appels au boycottage des produits français se multiplient. Et la France se retrouve, à son corps défendant, partie prenante dans l’affaire.

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