« Ô Dieu, donne la victoire à l’Égypte ! »

Publié le 5 février 2006 Lecture : 2 minutes.

La XXVe édition de la CAN,, que l’Égypte de Hosni Moubarak accueille depuis le 20 janvier, se déroule vingt mois après l’échec de la candidature égyptienne à l’organisation du Mondial 2010, dans la foulée d’une année politique chargée, marquée par des élections présidentielle et législatives mouvementées durant lesquelles les Égyptiens ont découvert l’« ouverture politique » et goûté au « débat démocratique ».
Lorsque, le 15 mai 2004, à Zurich, le comité exécutif de la Fifa a désigné l’organisateur de la Coupe du monde 2010, il n’a accordé aucune voix à l’Égypte, dont le dossier technique avait été pourtant classé devant celui du Maroc et après celui de l’Afrique du Sud. Un échec qui provoqua un véritable traumatisme national. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Ala Eddine Hilal, fut « sacrifié », et une enquête financière fut diligentée auprès des membres du comité de candidature (29 d’entre eux seront déférés, le 19 avril, devant la Haute Cour correctionnelle pour abus de biens publics).
Effacer la gifle de Zurich et restaurer le prestige de Misr, Oum ad-Dunya (« l’Égypte, Mère de l’univers ») est devenu prioritaire pour le régime, car si seulement 25 % des Égyptiens ont participé aux élections, tous votent foot ! D’où l’obligation pour elle de se racheter à bon compte à l’occasion de la CAN 2006. S’il investit – avec quelque retard – le stade, l’État n’a octroyé qu’un budget de 20 millions de livres (3 millions d’euros) aux organisateurs, avant de s’en remettre à l’armée, qui a pris en charge la rénovation des stades, livré une cérémonie d’ouverture clés en main et envoyé dans les tribunes des dizaines de milliers de soldats en tenue de sport. Consignes officieuses furent aussi données à tous les médias pour exalter la « grandeur de l’Égypte », glorifier son peuple et son président et magnifier toutes leurs réalisations. Résultat : c’est un tsunami de chauvinisme qui déferla, dès le match Égypte-Maroc, sur la compétition.
Ce jour-là, une marée humaine envahit les travées du stade du Caire et y déploie des dizaines de milliers de drapeaux. Biladi, biladi !, l’hymne égyptien, résonne dans l’arène transformée en volcan. Pourtant, les 70 000 fanatiques des tribunes ne constituent pas le public populaire habituel du foot (qui doit se contenter des écrans géants installés en ville). En fixant les prix des billets dans une fourchette allant de 20 à 1 000 livres (de 3 à 150 euros), les organisateurs ont opéré une sélection et attiré une nouvelle clientèle composée à 95 % d’élèves et d’étudiants issus des classes aisées. Grimés et maquillés à l’européenne, ceux-ci ont donné de la voix. Et la presse d’exhiber, pleine page, les photos de jeunes filles, tête découverte, déguisées comme des supportrices anglaises ou néerlandaises. Des images surréalistes dans une capitale où 80 % de la population féminine portent le voile !
Les fils Moubarak, Gamal et Ala, ne ratent aucune séance d’entraînement des troupes de Hassan Chehata. Des troupes qui ont opté pour un hourra-football, des assauts frontaux et des duels virils, galvanisées par tout un peuple. « Ô Dieu, titre le journal d’Al-Ahli, donne la victoire à l’Égypte ! » Inch’Allah

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