Déby Itno versus Wolfowitz

Publié le 5 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Au prix moyen de 32 dollars le baril, le pétrole tchadien a rapporté au consortium formé par les compagnies américaines Exxon et Chevron (65 % des intérêts) et malaisienne Petronas (35 %) la somme de 4,3 milliards de dollars. Approximativement, car le consortium n’a jusqu’à présent publié aucun bilan sur ses activités depuis le départ du premier tanker, le 3 octobre 2003. Sur cette somme, le consortium a versé à ce jour 425 millions de dollars au gouvernement tchadien au titre des royalties, soit environ 10 % du total, moins que la part qui lui revient de droit (12,5 %). L’opacité des comptes ne permet pas encore d’expliquer cette différence. Opacité, le mot est lâché. Elle est tout simplement la conséquence de la mise du pétrole tchadien sous la double tutelle de la Banque mondiale et du consortium. Un cas unique au monde qui devait servir d’exemple de bonne entente entre pétroliers, bailleurs de fonds et pays producteur d’or noir. Las ! L’accord a tourné court, parce qu’il était le fruit d’un diktat
Souvenons-nous. Trente ans après sa découverte, le pétrole tchadien était « inexploitable » : le pays est enclavé (plus de 1 000 km le séparent du port le plus proche, Kribi, au Cameroun), et il était constamment en guerre (interne et externe avec la Libye). Il a fallu attendre la fin des années 1980, un début de stabilité, pour qu’enfin les compagnies et la Banque mondiale puissent le financer. Mais les accords signés en 1999 et 2000 sont léonins : les besoins de financement (3,7 milliards de dollars) étaient tels que le Tchad a tout cédé en contrepartie d’une part minime. Il a même cédé le droit de gérer comme il l’entend cette part. En juin 2000, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le chantier a démarré en grande pompe pour s’achever – avec un an d’avance – en juillet 2003. Les mois passent, et le Tchad s’aperçoit de sa bévue : l’argent du pétrole lui échappe.
Le président Idriss Déby Itno décide de tout remettre en cause. Mais, en face de lui, le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, fraîchement nommé, ne veut rien entendre. Il suspend huit projets au Tchad (124 millions de dollars). C’est la rupture. Le 23 janvier 2006, Déby Itno vide et ferme le compte des générations futures (36 millions de dollars). La Banque, elle, bloque celui de son gouvernement (24 millions). Des négociations s’ouvrent à Paris le 30 janvier. La délégation tchadienne – Abbas Mahamat Tolli (ministre des Finances) et Mahamat Nasser Hassane (Pétrole) – allait parvenir à un compromis le 1er février avec la conseillère de Wolfowitz, Robin Cleveland, quand celui-ci lui ordonne de suspendre les travaux. Le Tchad, dit-il à sa conseillère, devra se soumettre au préalable à une mission d’inspection de la Banque.

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