Le temps béni des colonies
Publié le 4 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.
C’est un petit sondage, en page 8 du Figaro du 2 décembre, mais il en dit long sur le malaise actuel de la société française. En substance, la question posée était celle-ci : « Soutenez-vous le choix du Parlement [réitéré le 29 novembre] sur la reconnaissance, dans les programmes scolaires d’histoire, du rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ? » En d’autres termes : la colonisation a-t-elle eu une fonction bénéfique ? La réponse, massive (64 %, soit deux Français sur trois), est : oui. Une approbation transversale, puisque, en dépit du vif combat mené par les députés socialistes et communistes contre l’adoption de cette loi, 57 % des électeurs de gauche l’approuvent (75 % à droite, ce qui est moins surprenant). Une adhésion qui traverse toutes les classes d’âge, y compris donc chez les jeunes, et qui est de plus en plus marquée au fur et à mesure que l’on descend l’échelle des revenus.
Il y aurait beaucoup à dire sur cet inquiétant résultat même si, faute de référence, il est difficile d’établir s’il est lié aux circonstances ou traduit une permanence. À l’évidence, la nostalgie d’un « temps béni », mythifié et débarrassé de toute connotation négative, typique des périodes de crise économique et de désarroi moral telles que la France en connaît aujourd’hui, a joué son rôle. Tout comme le contrecoup des émeutes des banlieues, qui semblent avoir libéré et exacerbé chez nombre d’élus et de leaders d’opinion français un « parler vrai » aux forts accents africanophobes, voire crûment racistes, jusqu’ici refoulé au nom du politiquement correct.
Quand on se souvient du mal fou qu’eut en France, il y a un siècle, le « parti colonial » partisan des conquêtes impériales à imposer ses vues, ce résultat laisse songeur. Un sondage réalisé à l’époque se serait très certainement soldé par une large majorité de « non » à la colonisation. Non pas, il est vrai, pour des raisons humanitaires ou par conviction politique, mais parce que ces aventures étaient alors jugées inutiles et, surtout, dispendieuses. Depuis, apparemment, le message est passé…
