Positive attitude
Depuis vingt ans, le rap africain allie rythmes traditionnels et discours panafricains. Une originalité mise en vedette au festival Waga Hip-Hop.
De Dakar à Johannesburg en passant par Lomé, Arusha, Nairobi, Kinshasa, Accra, Lagos ou encore Libreville, rares sont les grandes villes africaines qui ne comptent pas au moins un rappeur dont les qualités ne soient pas vantées à Dakar (Sénégal) et à Ouagadougou (Burkina Faso). Villes qui se disputent le titre de capitale du hip-hop africain. Dakar, parce qu’elle a vu naître notamment Positive Black Soul (PBS), puis Daara J, les premiers groupes de rap africain à avoir séduit un public européen et américain à partir de 1994. Ouagadougou, parce qu’elle accueille depuis l’an 2000 le festival des cultures urbaines, Waga Hip-Hop, devenu en quelques années le lieu de rencontre des hip-hoppers africains les plus en vogue. Des artistes en provenance d’une douzaine de pays ont participé à la dernière édition, du 15 au 20 octobre dernier. C’est sans difficulté qu’ils ont démontré l’existence d’un hip-hop africain possédant une identité solide et balayé nombre de préjugés.
Au fil des ans, l’amélioration de la qualité des textes a permis au hip-hop de se défaire de son image de mouvement violent, peu respectueux de la société. Le festival de Ouaga a tout pour faire voler en éclats les préjugés. En une semaine, aucun incident n’a été constaté. Du premier au dernier jour, les artistes, face à un public toujours enthousiaste et réceptif, ont souvent évoqué la nécessité pour l’Afrique de s’unir autour de valeurs et d’objectifs communs. Généralement très éloignés des egotrips américains à la gloire de la réussite financière ou encore des fantasmes sexuels, de nombreux titres dénoncent vertement la corruption, le pillage des ressources, la pauvreté, et véhiculent des valeurs panafricanistes. Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Cheikh Anta Diop et même Nelson Mandela sont souvent magnifiés. Parfois sollicités par des organisations non gouvernementales, voire par les autorités de leurs pays, des rappeurs s’illustrent également dans des actions sociales ou humanitaires. Lutte contre le sida ou le paludisme, droits de l’enfance
Sur le plan musical, avec le temps, instruments, rythmes et mélodies traditionnels se sont imposés dans les compositions. Le Sénégalais Awadi avec son groupe Positive Black Soul fut l’un des premiers à oser certaines associations en introduisant la kora ou le tama (petite percussion). Actuellement toute une nouvelle génération de rappeurs suit cette voie. Par exemple, Yeleen (Burkina Faso), Lexxus Legal et PNB (Pensée nègre brute) ou encore 3K (Ghana). L’introduction de chants d’inspiration traditionnelle interprétés dans les langues locales – lingala, mina, bambara, wolof – constitue aussi une caractéristique du rap africain. Pour Awadi, le besoin d’être compris de leurs pairs et de leurs aînés a incité de nombreux rappeurs à faire ce choix sans toutefois négliger l’usage du français ou de l’anglais, toujours indispensables à la conquête des marchés occidentaux. Autre signe de l’évolution musicale du hip-hop africain : la collaboration de plus en plus fréquente avec des orchestres (Awadi, Daara J, Yeleen). Enregistrements et prestations en live avec des musiciens et de vrais instruments crédibilisent les rappeurs qui se sont longtemps vu reprocher une utilisation abusive d’instrumentaux composés et programmés à l’aide d’ordinateur.
Alors que les rappeurs américains sont en proie à des guerres commerciales sans merci, leurs pairs africains, loin des diamants, des coupés sport rutilants et des top-modèles siliconées, ne se lassent pas de réclamer une Afrique nouvelle. Comme l’affirme Ali Diallo, fondateur et directeur artistique du festival de Ouagadougou, « le hip-hop africain a de beaux jours devant lui. Son rôle positif dans le développement du continent ne fera bientôt plus aucun doute. »
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