Doris Lessing se lâche

Dans une interview au quotidien espagnol El País, le Nobel de littérature 2007 livre ses vérités. Sans prendre de gants.

Publié le 4 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Ni l’âge, ni les honneurs, ni même, a fortiori, l’argent ne sont venus à bout de la capacité de révolte dont l’écrivaine britannique Doris Lessing a toujours fait preuve. Sa vie et ses combats, autant que son uvre, en témoignent. Ses déclarations aussi d’ailleurs. Seulement voilà, la lady a horreur de la langue de bois, de l’hypocrisie, du dogmatisme, des étiquettes, des idéologies et de beaucoup d’autres choses encore. Alors, évidemment, elle ne mâche pas ses mots. À 88 ans, Doris Lessing a toujours la colère chevillée au corps, et ce n’est pas un prix, fût-il le très prestigieux Nobel de littérature, qui lui a été décerné le 11 octobre dernier, qui y changera grand-chose. Elle ne décolère pas, lady Lessing, qui vient d’en donner une nouvelle preuve dans une interview au quotidien espagnol El País (21 octobre 2007) l’invitant à commenter l’actualité des pays qu’elle a le mieux connus. Extraits.

Zimbabwe
« En ce moment, les gens meurent de faim. Alors que c’était un pays qui donnait à manger à toute la région. [] Les gens fuient vers l’Afrique du Sud. Et quand ils arrivent à la frontière, ils disent aux Sud-Africains : S’il vous plaît, avant de nous renvoyer vers notre pays, donnez-nous un peu de pain. [] Les soldats de Mugabe aussi s’enfuient parce qu’on ne les paie pas. Ils vont en Afrique du Sud, et le drame, c’est que des recruteurs les attendent pour les envoyer faire leurs guerres. Il est possible qu’on les retrouve en Afghanistan, en Irak, ou n’importe où [] C’est une tragédie créée par un seul homme : Robert Mugabe. [] C’est un homme très mauvais. Un assassin. Au début, les gens disaient que c’était un homme intelligent et qu’il avait de bons conseillers. Mais, une fois au pouvoir, il y a eu tout de suite une tuerie. Ensuite, il s’est associé aux pires dictateurs du monde, comme ceux de Birmanie, parce qu’il aime beaucoup les dictateurs. [] »

la suite après cette publicité

Iran (où elle est née)
« Je déteste l’Iran. Je déteste le gouvernement iranien. C’est un gouvernement méchant et cruel. Rappelez-vous ce qui est arrivé au président iranien à New York. À l’université de Columbia, ils l’ont traité d’homme méchant et cruel. C’était merveilleux. Ils auraient dû en dire plus. Mais à cause du pétrole, personne ne le critique. Et notre cher gouvernement britannique lui cire les pompes à cause du pétrole. Tout comme Poutine, qui veut aussi le pétrole. Et vous vous attendez à ce que les gouvernements se comportent avec moralité Aucun d’eux ne le fait. Ils sont honteux. Ils nous font tous honte. »

Afghanistan
« La guerre en Afghanistan est une conséquence de l’invasion russe. Le 11 Septembre ne peut pas être aussi important que cette invasion. Ce que j’ai vu dans ce pays, ce sont les conséquences de l’invasion soviétique, qui fut un vrai désastre. [] Moi, j’ai pu parler aussi bien avec les femmes qu’avec les soldats. Et je peux vous dire que l’invasion soviétique de l’Afghanistan constitue l’un des grands crimes de notre temps. Il faut aussi rappeler que la Grande-Bretagne a été battue trois fois par les Afghans au XIXe siècle. [] Qu’est-ce qu’on fait encore là-bas ? Ils nous ont battus trois fois. C’est une folie. »

Terrorisme
« Ici, nous avons eu l’IRA [Armée républicaine irlandaise]. Vous savez ce que les gens oublient ? Ils oublient que l’IRA a fait sauter des bombes contre notre gouvernement qui ont tué plusieurs personnes lors d’une convention du parti conservateur à laquelle participait Margaret Thatcher. Les gens oublient. Le 11 Septembre a été quelque chose de terrible, mais si on le compare à l’histoire de l’IRA, alors ce qui est arrivé aux Américains n’est pas aussi terrible que ça. N’importe quel Américain pensera que je suis folle. Beaucoup de personnes sont mortes, deux édifices prestigieux se sont écroulés, mais ça n’a pas été aussi terrible, ni aussi extraordinaire qu’ils le pensent. Ce sont des gens très naïfs. Ou qui font croire qu’ils le sont. »

Tony Blair
« J’ai toujours détesté Tony Blair. Dès le début. [] Je pense qu’il a été un désastre pour la Grande-Bretagne. Quand il a été élu, j’ai dit que c’était un petit showman, et qu’il allait nous mettre dans de sales draps. C’est ce qu’il a fait. »

la suite après cette publicité

George W. Bush
« Quant à Bush, c’est une calamité mondiale. Le monde entier en a assez de lui. Soit c’est un imbécile, soit il est très intelligent. Car il ne faut pas oublier qu’il fait partie d’une classe sociale qui tire grand profit des guerres. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires