Pourquoi les opposants à Moubarak s’habillent-ils en orange ?

Question posée par Saïd Aderkaoui, Marrakech, Maroc

Publié le 4 septembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Le Caire, fin juin. L’opposant Ayman Nour, qui apparaît désormais comme le principal rival d’Hosni Moubarak à la présidentielle de septembre, comparaît devant la justice pour falsification de documents. Massés autour du tribunal, des dizaines de militants du parti Al-Ghad sont venus clamer leur soutien à leur leader. Particularité : ils sont habillés en orange. À peu près au même moment, et pas très loin de là, des colons israéliens accrochent des rubans orange aux antennes de leurs voitures pour manifester leur opposition au retrait de Gaza.
En voyant ces images, chacun a en tête la désormais célèbre « révolution ukrainienne ». Au soir du 20 novembre 2004, quelque 200 000 manifestants avaient occupé le centre de Kiev, la capitale, hissant des forêts de drapeaux orange pour dire non aux résultats des élections truquées par le pouvoir en place.
Pourquoi, en l’espace de quelques mois, cette couleur est-elle devenue un peu partout dans le monde le symbole de la contestation ? Si l’on admet que cette mode est venue d’Ukraine, il semblerait qu’elle ait été inspirée par une tradition locale selon laquelle une jeune fille place une citrouille devant sa maison pour refuser les avances d’un prétendant.
La suite est logique. L’orange a l’avantage de ne pas renvoyer à une idéologie ou à un système de pensée trop marqué. Le rouge, par exemple, est intrinsèquement lié au communisme, le noir à l’anarchisme, le vert à l’islam ou à l’écologisme. Le rose a souvent été associé à l’homosexualité – y compris dans les camps de concentration nazis. Dans un pays comme la France, le blanc était la couleur de la royauté.
Rien de cela avec l’orange, qui a, en plus, l’intérêt d’être très voyant : il n’est pas fréquent de le porter sur soi au quotidien. Ou pourrait ajouter que si l’on devait chercher des références religieuses, elles sont très positives. Les moines bouddhistes sont par excellence un symbole de paix. De même dans l’art religieux chrétien, l’orangé figure la révélation de l’amour universel. Autant de signes de bon augure pour des mouvements censés s’opposer à la dictature et à l’arbitraire.
Mais, nous dira-t-on, l’orange est aussi la couleur des Néerlandais. Le 30 avril, jour de leur fête nationale, leur pays entier en effet se pare de cette couleur, qui est celle de la famille royale. Alors que leurs footballeurs l’exhibent fièrement sur tous les stades du monde. Il faut remonter au xvie siècle pour trouver l’explication. En 1515, le comte Henri III de Nassau avait acquis la principauté d’Orange, dans le sud de la France, grâce à son mariage avec Claudia de Chalon et d’Orange. Son descendant, Guillaume Ier, se rendit très populaire en conduisant le combat contre la domination des Espagnols – et le catholicisme que leur souverain Philippe II voulait imposer – jusqu’à établir, en 1581, un État indépendant aux Pays-Bas. Ainsi l’orange, associé aux exploits de Guillaume, figura très longtemps, avec le blanc et le bleu, dans le drapeau néerlandais. S’il a été remplacé par le rouge, il reste incontestablement le symbole de la lutte de libération de cette nation.

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