Jean-Paul II consacre la basilique de Yamoussoukro

Publié le 4 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

« Au moment où je célèbre la dédicace de cette église, je suis heureux de l’élever au rang de basilique », énonce le pape Jean-Paul II à la fin de son homélie. Enfin, la phrase tant attendue résonne, en ce matin du 10 septembre 1990, sous la voûte de l’édifice flambant neuf que le chef de l’État ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, offre à son pays, à l’Église et aux chrétiens du monde entier.
Au parterre, des invités de marque au rang desquels figurent Jacques Chirac, alors maire de Paris, Jacques Foccart, ancien conseiller élyséen pour les Affaires africaines, Jean-Christophe Mitterrand, le fils du président français, l’ancien Premier ministre Pierre Mesmer ou encore Pik Botha, le ministre des Affaires étrangères sud-africain. L’entourage du président Houphouët et les habitants de son village natal, venus en masse, assistent à la cérémonie. Mais le plus impressionnant, c’est le spectacle offert par ces milliers de spectateurs qui, en l’espace de quelques jours, ont convergé vers la basilique. Dans la touffeur de la nuit, des centaines de cars sont arrivés d’Abidjan et de l’étranger. Dès 2 heures du matin, l’esplanade et le parvis sont noirs de monde. Il faut dire que l’événement est d’importance : ce jour-là, le plus grand édifice religieux jamais construit sur le sol africain ouvre ses portes au public pour la messe inaugurale.
Que d’efforts avant d’en arriver là ! Conçue par l’architecte libano-ivoirien Pierre Fakhoury avec, pour maître d’ouvrage, le Français Antoine Cesareo, patron de la Direction de contrôle des grands travaux (DCGTX), la basilique représente le plus gros chantier entrepris sur le continent depuis le barrage d’Assouan, en Égypte, dans les années 1960. Mille cinq cents ouvriers et ingénieurs d’entreprises ivoiriennes, israéliennes, françaises et italiennes ont travaillé nuit et jour pendant trois ans seulement – un record – pour l’achever. Le bâtiment, gigantesque, peut accueillir 18 000 fidèles, dont 7 000 assis, et 300 000 sur les parvis. Il est doté de 250 colonnes roses, dont certaines culminent à 31 mètres. Quelques-unes abritent, au total, quatre ascenseurs et six escaliers. L’inventaire des matériaux utilisés se passe de commentaire : 70 000 m2 de marbre importé d’Italie, d’Espagne et du Portugal, 7 663 m2 de vitraux fabriqués en France. Le dôme, semblable à celui que le Bernin construisit pour Saint-Pierre de Rome, mais bien plus haut puisqu’il culmine à 160 mètres (contre 100 pour Rome), est composé de 7 000 pièces d’acier. Ajoutons 1 810 projecteurs pour l’illumination, 7 cloches en bronze fondues en France, dont la plus grosse pèse 4,2 tonnes, un système de climatisation prévu pour fonctionner portes ouvertes et un orgue numérique venu tout droit des États-Unis. Facture officielle en francs CFA : 40 milliards pris, dit-on, dans la cassette personnelle du chef de l’État, auxquels il convient d’ajouter 500 millions pour l’entretien annuel, qui échoit au Vatican, récipiendaire officiel du pharaonique « cadeau ».
Mais ce don survient dans un contexte de crise économique aiguë et de tension sociale. La basilique a vite fait de devenir la bête noire des Ivoiriens, qui lui imputent tous leurs malheurs : chômage, baisse du niveau de vie, augmentation de la criminalité, etc. Sans parler de la « mégalomanie » du chef de l’État ivoirien, au regard du coût exorbitant et du gigantisme de l’édifice…
Aussi le pape Jean-Paul II a-t-il longtemps tergiversé avant de se rendre aux arguments du cardinal béninois Bernard Gantin, qui lui conseillait de passer outre à ces dissensions, par trop politiques, et d’aller à Yamoussoukro consacrer Notre-Dame-de-la-Paix. Au terme d’un voyage qui l’a conduit de la Tanzanie au Rwanda en passant par le Burundi, le souverain pontife s’arrête donc pour la troisième fois en Côte d’Ivoire. Il va inaugurer les somptueux appartements pontificaux qui jouxtent la basilique pour être, dès 8 h 30 le matin du 10 septembre, en mesure de faire débuter une messe prévue pour durer trois heures. Riche en couleurs, éclatante de beauté, elle sera empreinte à la fois de solennité et d’africanité, et laissera dans la mémoire de tous les participants un souvenir indélébile.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires