Wade règle ses comptes

Publié le 4 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Dans le camp d’Idrissa Seck, la joie aura été de courte durée. À peine les résultats provisoires de l’élection présidentielle avaient-ils été annoncés par la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), le 1er mars, que le chef de l’État réélu, Abdoulaye Wade, s’est rappelé au bon souvenir de son ancien Premier ministre en donnant une conférence de presse, au palais présidentiel. Arrivé en deuxième position lors du scrutin du 25 février, le leader de la formation Rewmi se voyait déjà en dauphin désigné. Wade lui a sèchement signifié que de telles spéculations n’étaient plus de saison.
« Au grand dam de mes collaborateurs, j’ai dit que je pardonnerai à tout le monde, y compris à Idrissa Seck pour ce qu’il m’a fait. [] Mais je ne peux pardonner les griefs faits à l’État », lance-t-il. En clair, on rouvre les dossiers, et notamment celui des chantiers de Thiès, qui a valu à Seck un limogeage sans préavis de la primature, en avril 2004, puis du PDS, en avril 2005, et, pour finir, un emprisonnement de juillet 2005 à février 2006. « J’ai demandé la suspension des poursuites judiciaires avant les élections, mais ne soyez pas surpris que la justice reprenne son cours normal. C’est un devoir républicain », ajoute le chef de l’État. La menace est on ne peut plus claire. Les quatre entretiens que les deux hommes ont eus, quelques semaines avant le lancement de la campagne, pour sceller leur réconciliation sont de l’histoire ancienne. À l’hypothèse d’une alliance entre le « Vieux » et celui qui fut son « fils spirituel », le président répond par une fin de non-recevoir et parle de « rupture définitive ». Plus grave, il évoque, pour la première fois, la délicate question des « fonds politiques ».
Exhibant un document daté du 29 décembre 2005 censé prouver que le maire de Thiès s’était engagé à restituer 7 milliards de F CFA à l’État en échange de sa libération, Wade lui porte alors le coup de grâce. Cette somme, affirme-t-il, n’a jamais été versée. L’ancien Premier ministre a reconnu avoir conservé une partie des fonds mis à sa disposition pendant son passage à la primature. « Nous pensons qu’il y a encore 40 milliards, et même plus, déposés sur un compte à New York. La justice a lancé une commission rogatoire. La France nous a donné un rapport complet, mais il reste le Luxembourg, la Suisse et, surtout, les États-Unis. Nous demandons à ces pays de nous aider à récupérer cet argent mal acquis », commente Wade. À une question concernant le profil de l’homme appelé, conformément à la Constitution, à lui succéder au terme de son second mandat, dans cinq ans, il répond : « En tout état de cause, ce ne peut pas être Idrissa Seck, il faut qu’il le comprenne. »
Intraitable, le visage impassible, le « procureur », auprès duquel a pris place Viviane, son épouse, tient également à répondre aux accusations de corruption lancées contre son fils Karim, président de l’Agence nationale de l’organisation de la Conférence islamique (Anoci), l’organisme chargé de préparer le sommet à Dakar, en mars 2008. « Mon fils n’est dans aucun poste où il a affaire à de l’argent », jure Wade, convaincu que Seck est « à l’origine des rumeurs ».
Pour autant, cela ne l’incite pas à ménager ses autres opposants, notamment Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, deux de ses concurrents malheureux de la présidentielle, contre lesquels il n’hésite pas à exhumer de vieux dossiers. Le président réélu dès le premier tour estime avoir désormais les coudées franches et ne rien devoir à personne. Une situation idéale pour régler quelques comptes et, s’il le faut, mettre au pas son opposition. Une opposition que Seck n’a sans doute plus d’autre choix que de rejoindre avant les élections législatives de juin prochain.

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