Ça bouge en Israël

Publié le 4 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Un étonnant document rendu public le 22 février et qui a été peu repris par la presse nous apprend que les Israéliens, si l’on en juge par ce qu’ils pensent et ressentent, forment une société sensiblement différente de l’image qu’on en a.

Israël a été créé il y a près de soixante ans à la suite d’une résolution de l’ONU(1) pour servir de foyer et de refuge aux juifs, principalement européens, ayant fui les persécutions (nazies) et l’antisémitisme (slave et autre). Il s’est élargi territorialement à la faveur de plusieurs guerres qui l’ont opposé à ses voisins arabes et a attiré plusieurs millions de juifs de tous les continents (il compte aujourd’hui 5 600 000 Juifs et 1 400 000 Arabes, soit respectivement 80 % et 20 % de la population).
Depuis plusieurs années, il consacre 1 milliard de dollars par mois à ses armées, qui sont devenues les plus puissantes et les plus modernes de la région. Grâce à la France, il dispose depuis cinquante ans de l’arme nucléaire.
Au début des années 1960, supplantant la France et le Royaume-Uni, les États-Unis sont devenus l’allié inconditionnel et stratégique d’Israël, son fournisseur d’armes et de munitions les plus avancées et les plus meurtrières, d’aide économique et financière, le garant de sa supériorité militaire sur tous ses voisins ou adversaires, son protecteur diplomatique (par utilisation généreuse – 39 fois en moins de cinquante ans – de son droit de veto à l’ONU pour préserver Israël de toute résolution contraignante).
Grâce au poids, à la richesse intellectuelle et financière de la diaspora juive installée aux États-Unis – 6,4 millions de personnes, plus que de Juifs en Israël – et au très efficace lobby American Israel Public Affairs Committee (Aipac), ce pays a fini par apparaître aux yeux du monde – et, peut-être, par se considérer – comme le 52e État américain.

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L’extraordinaire document évoqué ci-dessus présente des Israéliens attirés comme par un aimant non par les États-Unis – qu’ils vénèrent par ailleurs – mais par l’Europe, Allemagne comprise ! Il s’agit d’un sondage d’opinion réalisé par la fondation allemande Konrad-Adenauer sur un échantillon représentatif de la population israélienne(2).
Selon ce sondage, 75 % des Israéliens souhaitent que leur pays adhère à l’Union européenne (il faudrait, bien sûr, que les pays européens, de leur côté, l’acceptent).
Et plus d’un Israélien sur dix quitterait son pays pour s’installer en Europe avec sa famille si on lui accordait la nationalité d’un des pays de l’Union européenne.
36 % des Israéliens nés de parents ou de grands-parents nés en Europe – les Ashkénazes – sont, de ce fait, éligibles à la nationalité d’un des pays de l’Union européenne(3).
54 % des Israéliens pensent qu’une Union européenne plus forte serait dans l’intérêt d’Israël.

Les Israéliens ont à 77 % une bonne opinion de Tony Blair, à 72 % de George W. Bush et à 50 % d’Angela Merkel (deux Européens encadrant un Américain).
S’agissant des pays, ils les classent ainsi par ordre de préférence et d’opinions favorables : États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne et Italie (à égalité), Suisse ; puis Espagne et Turquie (à égalité) ; la Norvège (en souvenir des Accords d’Oslo ?) devance de loin la France, peu populaire en Israël.
Ils sont étonnamment pessimistes, ces Israéliens, malgré leur apparente confiance : 14 % d’entre eux seulement pensent qu’Israël va dans la bonne direction et 77 % estiment, au contraire, qu’il avance dans la mauvaise direction.

Comme vous le découvrez, l’opinion israélienne est beaucoup plus favorable à l’Europe qu’on ne le pense, et l’Allemagne a réussi, en un demi-siècle, à faire oublier aux juifs, et aux Israéliens en particulier, ce qu’ont fait les nazis à leurs parents et grands-parents.
Il ne reste à l’Europe qu’à prendre conscience des moyens d’influence – et d’action – que cette remarquable évolution des Israéliens lui donne : 75 % des Israéliens disent souhaiter « que les États-Unis ou l’Union européenne soient partie intégrante du processus de paix entre eux et les pays arabes »

1. N° 181 du 29 novembre 1947 instituant un partage de la Palestine, alors sous mandat britannique, entre Arabes et Juifs, qui devaient, aux termes de la résolution, créer chacun un État sur 50 % environ du territoire. Les Juifs étaient à l’époque au nombre de 558 000 sur le territoire qui leur a été dévolu et de 100 000 à Jérusalem.
2. 511 Israéliens interrogés les 5, 6 et 7 février 2007, dont 442 Juifs interrogés en hébreu et 69 Arabes interrogés en arabe.
3. Dont les trois quarts viennent de trois pays : Pologne (50 %), Roumanie (15 %) et Allemagne (10 %).

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