Georges Morin et le Maghreb des livres
Georges Morin, né à Constantine en 1942 et ancien instituteur en Algérie, a créé en 1985, à Paris, l’association Coup de soleil, en réaction à la montée du racisme antimaghrébin. Depuis 1994, la structure organise la manifestation Le Maghreb des livres, pour rapprocher les deux rives de la Méditerranée.
Jeune Afrique : Lors de chaque édition, l’un de ces trois pays – le Maroc, l’Algérie, la Tunisie – est mis à l’honneur. Cette année, c’est l’Algérie ?
Georges Morin : De jeunes auteurs algériens, sélectionnés par les éditeurs locaux, vont faire le voyage à Paris grâce à l’ambassade de France à Alger. Il y aura notamment deux romanciers francophones, Hamid Grine et Djamel Souidi, un arabophone, Bachir Mefti. Côté édition, les anciennes maisons comme l’Anep ou Casbah seront représentées. Mais on observe depuis quelques années une floraison de jeunes éditeurs, comme Médiaplus à Constantine, l’Apic, Sedia, Dalimen ou Alpha à Alger, qui seront parmi nous. Au début, les auteurs présents à la manifestation étaient surtout des Maghrébins de France, mais on se « maghrébise » de plus en plus et c’est tant mieux ! Dans ce cadre, je tiens à noter la présence de deux jeunes auteurs marocains très prometteurs : Mohamed-Alami Berrada et Driss C. Jaydane, dont le premier roman, Le Jour venu, vient d’être édité au Seuil.
Quel regard portez-vous sur l’édition algérienne ?
Les jeunes éditeurs que nous avons rencontrés sont merveilleux, pleins d’optimisme malgré les énormes problèmes auxquels ils font face. Ils sont en colère contre l’État et sont très jaloux de la Tunisie, où l’État subventionne 70 % du prix du papier et aide à l’exportation de la littérature nationale. En Algérie, ils ont déposé une proposition de loi en 2003, mais rien ne bouge. Par manque de moyens, les tirages ne dépassent pas 1 000 ou 2 000 exemplaires alors que le public existe et a une vraie soif de lecture. Il suffit de regarder les gens se précipiter sur les ouvrages à la Foire du livre d’Alger ! Il n’y a pas non plus de réseau de distributeurs comme il en existe au Maroc ou en Tunisie, pas de libraires et donc pas de promotion des auteurs. Quant aux bibliothèques, elles sont dans un état lamentable. Beaucoup d’éditeurs se tournent vers la coédition avec la France pour faire émerger les écrivains. Le livre scolaire, le seul à être rentable, est toujours un monopole d’État, contrairement au Maroc et à la Tunisie, où il a été privatisé et permet de dégager des marges pour éditer de la fiction. Néanmoins, je suis admiratif de la très grande qualité de l’édition algérienne, d’autant plus méritoire que ses problèmes sont nombreux.
Quelles nouveautés attendent les visiteurs cette année ?
Nous allons profiter de la venue des grandes pointures de la littérature maghrébine pour organiser huit cafés littéraires où trois à quatre écrivains parleront de leurs ouvrages. Nous aurons également une table ronde assez « engagée » sur la liberté d’expression au Maghreb, avec Omar Belhouchet, le directeur du journal El Watan, Daniel Junqua, ancien correspondant du Monde à Alger et vice-président de Reporters sans frontières, ainsi que Driss Ksikes, directeur de la rédaction de Nichane, l’hebdomadaire récemment condamné au Maroc. On ne fait pas de politique, mais quand les hommes de plume sont en danger, on n’hésite pas à le dire !
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