Sur le front des conflits

Publié le 4 février 2007 Lecture : 5 minutes.

Chaque sommet de l’Union africaine est l’occasion de dresser le bilan des crises qui secouent le continent. Aussi les chefs d’État ont-ils pu se féliciter des progrès réalisés depuis leur dernière rencontre, à Banjul, en juillet 2006.
La République démocratique du Congo a finalement élu un président et des députés. Les États membres ont tout naturellement salué cette « nouvelle page » de l’histoire du pays. Joseph Kabila n’ayant pas fait le déplacement à Addis-Abeba, ses homologues se sont contentés d’appeler toutes les parties à « s’atteler à la tâche ardue de reconstruction de la paix ». L’assemblée a également félicité « l’évolution encourageante » en Mauritanie, en l’absence de son président, Ely Ould Mohamed Vall. En revanche, aucune mention n’a été faite sur les élections législatives prévues en juin prochain au Togo.
Contrairement aux précédents sommets, la Côte d’Ivoire, toujours malade, n’a pas fait l’objet d’empoignades, ni de débats interminables. Laurent Gbagbo s’est montré plutôt discret, et a prématurément quitté le sommet le 29 janvier en début d’après-midi, avant même que ses pairs ne se penchent sur le cas de son pays. Guidés par la décision prise le 19 janvier par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) de laisser au chef de l’État ivoirien l’initiative d’engager un dialogue direct avec Guillaume Soro, les dirigeants africains se sont contentés de rappeler qu’ils observaient d’un il attentif la réaction du leader des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion). Après avoir été menée par la France, l’Afrique du Sud puis l’ONU, la médiation dans le conflit ivoirien échoit aux voisins directs : John Agyekum Kufuor, élu à la tête de l’organisation panafricaine, et Blaise Compaoré, qui entame sa présidence de la Cedeao. De son côté, le chef de l’État burkinabè a rencontré Laurent Gbagbo, le 28 janvier, tard dans la nuit, à l’hôtel Hilton. Les deux hommes, qui semblent avoir oublié les tensions de leur précédente entrevue de septembre 2006 à Ouagadougou, ont évoqué la proposition prônée par Guillaume Soro : le test d’un schéma « à la congolaise » avec trois vice-présidents à la tête du pouvoir pour une période de transition de deux ans.
Le cas de la Guinée a été expédié en un court paragraphe du texte final. Tout comme la plupart des conflits ouest-africains qui ont fait place – probablement en raison de l’implication de l’hôte éthiopien en Somalie – à ceux d’Afrique de l’Est. Malgré son grand âge, le président de transition en Somalie, Abdullahi Youssouf, n’a cessé de courir les entretiens bilatéraux : il s’est entretenu avec Mélès Zenawi, Romano Prodi, le chef du gouvernement italien (très engagé dans cette partie de la Corne de l’Afrique), Louis Michel et Ban Ki-moon. Non sans résultats. « C’est un miracle, se réjouit un diplomate membre de la délégation somalienne. Les Européens ont compris qu’il fallait nous aider de toute urgence. » Louis Michel, commissaire européen à l’Aide humanitaire, s’est réjoui, quant à lui, de la promesse faite par le président de lancer très prochainement une conférence nationale ouverte à toutes les composantes de la société somalienne, y compris les autorités religieuses. « Je suis aujourd’hui en mesure de demander au Conseil européen de débloquer les 15 millions d’euros destinés à financer une force africaine de stabilisation, a-t-il annoncé. En outre, je recevrai dans les prochains jours, à Bruxelles, le ministre somalien des Affaires étrangères pour que nous définissions ensemble nos rôles dans l’organisation de la conférence sur le désarmement et le « capacity building » du gouvernement de transition. »
Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, également favorable à l’application conjointe d’une solution militaire d’un côté et politique de l’autre, doit aujourd’hui organiser en quelques semaines seulement, le déploiement de neuf bataillons en Somalie. Quatre contingents ont déjà été promis par l’Ouganda, le Nigeria, le Malawi et le Ghana, en attendant de trouver 4 000 soldats supplémentaires. Pour le moment, les pays arabes se sont contentés d’annoncer un soutien logistique, à l’instar de l’Algérie, qui met notamment cinq avions Iliouchine à disposition. Le financement de la force africaine de stabilisation a été évalué à 60 millions d’euros pour les six prochains mois, et environ 50 millions ont été promis par l’Union européenne, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Italie. L’UA souhaite que son opération qui doit permettre aux troupes éthiopiennes de se retirer rapidement, soit prise en charge par l’ONU à partir du deuxième semestre 2007. Mais personne n’est dupe : le Conseil de sécurité, et les États-Unis en particulier, n’est pas près de voter la mise en place d’une mission de maintien de la paix dans un pays qui a traumatisé la communauté internationale au début des années 1990.
Également au cur des discussions : la situation catastrophique au Darfour. Omar el-Béchir a longuement rencontré ses pairs qui n’ont pu infléchir son refus d’une intervention de l’ONU dans la province occidentale soudanaise. Même si officiellement l’assemblée de l’UA assure « que des efforts seront intensifiés pour mettre en uvre les arrangements convenus », l’approche « par étapes » définie en novembre 2006 en est restée aujourd’hui à la mise en uvre d’une aide renforcée de la force africaine au Soudan (Amis). Financée au « goutte à goutte », selon l’expression de Saïd Djinnit, le commissaire à la Paix et à la sécurité de l’UA, l’Amis est incapable d’assurer la protection des populations du Darfour. Et au final, l’UA n’a pas pu mettre le sommet à profit pour faire avancer les négociations avec le Soudan.
Quelques heures avant la clôture du sommet, le Tchadien Idriss Déby Itno n’a pas eu de mots assez durs pour fustiger une UA « sourde et aveugle aux agressions permanentes du Soudan envers son pays » et pour dénoncer la purification ethnique, le transfert de populations des villages frontaliers et le financement de la rébellion par son voisin À la fin de son réquisitoire, Déby Itno a quitté la salle laissant aux ministres des Affaires étrangères soudanais et tchadien le soin de s’expliquer. Président de séance, John Kufuor a essayé de reporter le débat et d’ignorer les propos de l’Afrique du Sud venue à la rescousse du Tchad. Selon Thabo Mbeki, le Conseil de paix et de sécurité doit être saisi de ce « sujet de préoccupations très grave ». Il a finalement obtenu gain de cause.

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