Elles ont tout faux !

Publié le 3 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Il y a quelques semaines, un ami français m’appelle : « Je rédige un éloge de la graisse, peux-tu me conseiller ? » Je demande, interloquée : « Pourquoi moi ? » Il répond : « Tu es orientale, et chez toi on aime les rondeurs. » Ma foi, je ne peux démentir. J’ai été élevée dans une tradition qui considère les formes comme l’attribut de la beauté et jure que les plis et les sinuosités mènent droit au plaisir. Pire qu’un défaut, la maigreur est un mal aux yeux des Arabes, dont je suis. Elle est un déni de la vie, une punition d’Allah, qui a peuplé le paradis de houris, lesquelles ont à coup sûr des formes, sinon la mort serait un vain voyage pour nombre de martyrs.
À mon tour, je demande : « Pourquoi donc écris-tu un tel bouquin, toi qui n’es pas oriental ? » Et j’entends un ferme : « Je suis un homme et je sais de quoi je parle. »

J’ai dû donner raison à mon ami. Le hasard a en effet voulu que je tombe sur un magazine contenant un « sondage exclusif TNS Sofres » sur la façon dont les hommes et les femmes conçoivent en France la beauté féminine. Résultat : elles sont 24 % à vouloir être plus minces, alors que 5 % seulement des hommes les y encourageraient. 19 % auraient souhaité être plus grandes, contre un petit 5 % d’admirateurs pour les girafes. Rayon cheveux : elles ne sont que 13 % à les supporter longs, alors que 26 % des hommes considèrent que les crinières opulentes « c’est le summum de la séduction ! » Conclusion : les femmes se préfèrent minces, grandes, cheveux courts, peu ou pas épilées. Les hommes les apprécient rondes, de taille moyenne, les cheveux longs et la peau sans duvet.
J’ai arraché les pages de l’enquête et les ai envoyées à mon ami, assorties des remarques suivantes :
« Je croyais que les femmes tenaient à mincir pour faire plaisir aux hommes. Qu’être belles leur servait d’abord à séduire. Je découvre que l’image qu’elles se font de la beauté au féminin ne coïncide pas, mais pas du tout, avec celle que s’en font les hommes. Alors, de deux choses l’une : ou bien les femmes modernes n’ont rien compris aux désirs des hommes et, par conséquent, ont tout faux ; ou bien le corps féminin s’est mis à exister tout seul, aspiré par son propre miroir, guerroyant pour sa propre cause, oubliant que le désir est la part de l’autre en soi, et, là, je dois avouer que je suis en retard d’une humanité. »

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Après mûre réflexion, j’ai conclu : « Malgré la dictature de la minceur, son vacarme ambiant, une voix me parvient toujours de mon enfance, comme un rappel des vérités premières. Elle dit que les rondeurs, les hommes aiment ça. Et c’est mon argument de poids. Cher Olivier, voilà que je te donne raison et que je me donne raison aussi. Nous serons au moins deux, ce soir, à ne pas sauter un repas ni à souffrir d’insomnies. »

NB : Ce texte n’est pas une publicité pour Éloge de la graisse, d’Olivier Bardolle, qui vient de sortir aux éditions Jean-Claude Gawsewitch.

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