Docteur George et Mister Bush

Publié le 3 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

On a beaucoup parlé des services que James Baker peut rendre à l’administration Bush. Mais Baker a probablement des objectifs qui lui sont propres. Selon un diplomate de Washington réputé pour sa perspicacité, l’ex-secrétaire d’État est sans doute animé par trois mobiles. C’est un patriote qui a à cur de faire progresser les intérêts de l’Amérique. Il souhaite aussi sauvegarder le prestige de la dynastie Bush. Et il serait un saint, et non un homme politique, s’il n’avait pas à l’esprit sa propre place dans l’Histoire.
Du poids respectif qu’il accorde à ces motivations dépendront les conclusions de son rapport. Mais il ne sera pas facile de concilier les exigences politiques de Washington avec les options limitées en Irak qui, toutes, n’ont rien d’attrayant. Encore faut-il savoir jusqu’à quel point Baker est prêt à affronter la Maison Blanche s’il venait à conclure qu’il n’y a pas de meilleure solution qu’un virage à 180 degrés. Les idées de son groupe de travail sur l’Irak sont connues : faire pression sur le gouvernement irakien pour l’amener à rechercher un accord politique avec les sunnites, concentrer les forces américaines dans les zones les plus dangereuses, engager le dialogue avec la Syrie et l’Iran, organiser une conférence régionale réunissant les États voisins, et relancer les négociations entre Israël et les Palestiniens.

Toutes ces idées ont pour objectif unique de permettre aux États-Unis d’entamer un retrait par étapes de leurs troupes en Irak. L’Américain moyen ne croit plus à la guerre. C’est donc l’amélioration de la situation à Washington qui importe et non pas un quelconque changement, fût-il mince, susceptible de régler le problème en Irak. Bien entendu, il y a toujours des optimistes pour soutenir que l’un des deux buts pourrait servir l’autre. Beaucoup moins évident est de savoir comment l’administration va s’y prendre pour saisir la dernière occasion qui lui reste de transformer la défaite en victoire. Je ne pense pas ici seulement à l’irascible vice-président Dick Cheney. On prête souvent à Condoleezza Rice, la secrétaire d’État, plus d’ouverture d’esprit qu’au président. Je n’en suis pas sûr. Elle aussi a joué à fond de l’argument que l’Irak pourrait être un modèle pour l’ensemble du monde arabe. Elle établit volontiers un parallèle avec l’époque de Truman et présente le projet de l’administration actuelle d’étendre la démocratie dans le Moyen-Orient comme l’affaire d’une génération, comparable au combat contre le communisme. Est-elle à présent disposée à reconnaître son échec ?
Dans son entourage, on soulève une question qui n’est pas souvent évoquée dans les débats politiques. Ayant brisé l’Irak, les États-Unis se doivent de le réparer, et, pour l’instant au moins, la plupart des Irakiens souhaitent qu’ils restent. Ce qui nous ramène au commandant en chef. Depuis la défaite républicaine, Bush est le champion de l’équivoque. Il fait deux sortes de déclarations. D’un côté, dans les textes écrits, il prend en compte la réalité politique et le fait que les électeurs veulent un changement de cap. Il assure qu’il est ouvert aux nouvelles idées. On a là affaire au Bush qui a limogé Donald Rumsfeld au lendemain des élections. Mais dès qu’il répond aux questions, le Bush qui parle adopte un ton résolument différent. Le président ne pense pas à un retrait, échelonné ou non. Il est en quête de stratégies susceptibles d’obtenir la victoire. Ce Bush-là n’est visiblement pas disposé à participer aux débats défaitistes. Changera-t-il d’opinion ? C’est possible. Mais, au train où vont les choses, il ne semble pas que le rapport Baker puisse provoquer une rupture claire et nette avec la politique passée. Plus vraisemblablement, on assistera à une fin de partie longue et chaotique.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires