Aïssata Lam : « L’objectif, c’est de valoriser le talent »
Avant même d’être diplômée, cette étudiante de Harvard a créé la Jeune Chambre de commerce de Mauritanie. Un organisme qu’elle préside et dont elle détaille les objectifs.
À Nouakchott, le 21 décembre, Aïssata Lam, 26 ans, était sous le feu des projecteurs. La jeune femme était revenue des États-Unis – où elle étudie à la prestigieuse université Harvard après avoir obtenu un bachelor of business administration (BBA, bac+4) de HEC Montréal, au Canada – pour le gala d’ouverture de la Jeune Chambre de commerce de Mauritanie (JCCM), qu’elle a fondée. Retour sur les sources de son initiative.
Jeune Afrique : D’où est venue l’idée de créer la JCCM ?
Aïssata Lam : J’ai engagé les démarches depuis un an et demi, mais c’est un projet qui faisait son chemin depuis longtemps en moi. Dans le cadre de mes études à HEC Montréal, je faisais partie de l’équipe des compétitions internationales, ce qui m’a permis de représenter mon établissement dans des débats et des études de cas contre d’autres universités. [Elle a notamment été demi-finaliste de la John Molson Undergraduate Case Competition, à Montréal en 2009, et remporté le premier prix d’innovation et entrepreneuriat de l’École polytechnique de Hong Kong en 2010, NDLR.] Je voulais importer ce type d’activité en Mauritanie via un concept plus général. Et c’est quand j’ai été introduite à la Jeune Chambre de commerce de Montréal que l’idée a véritablement pris corps.
Comment s’est passé le montage du projet ?
Je savais que je pouvais rencontrer des difficultés et qu’il était sans doute moins facile d’entreprendre ce type de projet en Mauritanie qu’au Canada, en France, ou même qu’au Maroc ou au Sénégal. Mais j’ai été agréablement surprise par l’enthousiasme que j’ai rencontré. Mon premier souci a été de rassurer sur les objectifs de la JCCM. J’ai exposé mon projet au secrétaire général de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Mauritanie, Abdoul Aziz Wane ; il a tout de suite compris que nous nous inscrivions dans une stratégie de complémentarité avec le dispositif institutionnel et consulaire existant.
Nous avons une centaine de membres potentiels, qui devraient cotiser dès cette année.
Deux de vos membres ont présenté la JCCM à Paris le 1er décembre, devant un parterre d’étudiants mauritaniens. Est-ce votre stratégie de recrutement ?
C’est une stratégie qui, j’en suis sûre, portera ses fruits. Les deux membres que vous évoquez, Imane Ismaïl et Mariem Khyar, sont le type même des jeunes qui vont animer la JCCM. Elles finissent leur cycle d’études, ont déjà eu des expériences dans le milieu professionnel à l’étranger et en Mauritanie, et, surtout, elles souhaitent mettre leurs acquis au service du développement de leur pays. Nous avons une centaine de membres potentiels qui devraient commencer à cotiser cette année.
La JCCM ne risque-t-elle pas d’être taxée d’élitisme ?
C’est possible, mais je crois que nous avons besoin, en Mauritanie et en Afrique, de tous les outils et réseaux qui nous permettront de créer de véritables perspectives pour le développement de nos pays et de nos populations. Il n’y a rien de mal à valoriser le talent, à faire se rencontrer des gens, à créer les conditions propices à l’éclosion de projets d’entreprises ; c’est au contraire, je le crois, un devoir.
Vous voulez aussi aider les efforts d’employabilité des jeunes, notamment ceux de l’intérieur du pays. Êtes-vous favorable à une forme de décentralisation économique ?
Ce point est crucial, compte tenu du taux de chômage préoccupant enregistré dans le pays [plus de 30 % de la population active]. Quand on se déplace dans l’intérieur du pays, on constate la réelle volonté des jeunes de ranimer leurs villes et villages. Je suis originaire de Boghé [Sud] et je peux témoigner de la créativité et du potentiel humain disponible pour changer cette dynamique. La Mauritanie, ce n’est pas que Nouakchott. La décentralisation économique va dans le bon sens. C’est à mon avis une clé du développement durable.
Que pensez-vous de l’intégration économique de la Mauritanie au sein du continent ? Est-ce l’un des volets d’action de la JCCM ?
Nous n’en sommes qu’aux tressaillements, et il reste beaucoup à accomplir en ce domaine, bien que nous ayons une population commerçante assez importante au regard de la population globale. L’objectif principal de la JCCM à long terme est de créer une plateforme d’interactions professionnelles aux niveaux local et international pour promouvoir l’entrepreneuriat, la création d’emplois et le développement durable.
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