Tragicomédie à Tripoli

Publié le 3 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Ouvert le 11 mai à Tripoli, le procès en appel des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien accusés d’avoir sciemment inoculé le virus du sida à 426 enfants libyens soignés à l’hôpital Al-Fateh de Benghazi a tourné à la farce. Le 29 août, le parquet a réclamé « la peine extrême, qui est la peine de mort » contre les inculpés. Composé essentiellement des familles d’enfants contaminés, le public a, quant à lui, pris à partie, au vu et au su des autorités, Othman el-Bizanti, l’avocat libyen des Bulgares, traité de « vendu à l’étranger ».
Dix témoins de la défense se sont rétractés. « Aucun d’entre eux n’a pu braver les menaces proférées à leur encontre ici et là », regrette un avocat de la défense, « surpris » par cette « dérive » du procès. Personne ne s’attendait à cette surenchère verbale entre le parquet et les familles des victimes, probablement orchestrée par le régime de Kadhafi.
Sous la pression conjointe des États-Unis et de l’Union européenne, la Jamahiriya avait dû faire annuler, en décembre dernier, les condamnations à mort prononcées contre les six accusés par la cour criminelle de Benghazi en mai 2004. Reconnaissant implicitement que le verdict a été arrêté sur la base d’aveux arrachés sous la torture, comme l’ont toujours clamé les infirmières et le médecin, la Cour suprême libyenne avait alors ordonné l’ouverture d’un nouveau procès.
Arrêtés en 1999, les coopérants étrangers seraient vraisemblablement des boucs émissaires. Plusieurs enfants ont été contaminés avant même leur embauche à l’établissement sanitaire en question, comme le soutient le Pr Luc Montagnier, découvreur du virus du sida, qui estime que d’autres victimes n’ont jamais été soignées dans les services où travaillaient les accusés. La vraie cause de la tragédie réside, selon plusieurs sources libyennes, dans la défaillance du système de contrôle et le manque d’hygiène à l’hôpital de Benghazi. Cette ville frondeuse est délaissée par les pouvoirs publics, « qui ne pouvaient pas reconnaître la responsabilité des agents de l’État sans risquer de provoquer un nouveau soulèvement de la ville », déclarait à J.A., en juin, un spécialiste de la Libye.
Dans le souci évident de favoriser la fin du calvaire des coopérants, les chancelleries occidentales avaient mis en place, en décembre, à l’initiative de la Bulgarie, un fonds international destiné à prendre en charge les soins dispensés aux enfants malades et à indemniser les familles des victimes. Surprises par la décision du parquet, elles n’en exagèrent pas pour autant les conséquences. « Les Libyens n’ont pas intérêt à faire marche arrière, ni à trahir la confiance de leurs partenaires », estime un diplomate européen.

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