La pêche en brasse coulée

Baisse des ressources, concurrence européenne, prix du carburant… Le plan de sauvetage lancé par les autorités suffira-t-il pour éviter la casse ?

Publié le 3 août 2008 Lecture : 3 minutes.

La pêche marocaine est en crise. Les sorties en mer sont de moins en moins rentables. La situation est d’autant plus alarmante que le secteur est stratégique. Il représente tout de même 55 % des exportations agroalimentaires du pays, 10 % des exportations nationales et plus de 400 000 emplois directs et indirects.
Les professionnels payent les pots cassés d’une absence de stratégie politique depuis des décennies. « La gestion s’est faite au gré de la diplomatie, confirme Abdelfattah Zine, directeur de la Chambre des pêches maritimes d’Agadir. On a signé des accords de pêche avec des pays étrangers en espérant un soutien de leur part sur des questions de politique internationale au mépris de toute considération économique. »
Le dernier accord en date, signé avec l’Union européenne en 2006, attise le plus de frustrations. Il autorise plus d’une centaine de bateaux, essentiellement espagnols, à venir pêcher dans les eaux marocaines en échange d’une contrepartie financière dont les pêcheurs marocains n’ont pas encore vu la couleur. Menace sur l’écosystème, contrôles insuffisants, perte de souveraineté sur les eaux La liste des griefs envers ce texte est longue. « Pour faire passer la pilule, notre ministère nous dit que ces bateaux européens sont des bateaux artisanaux, s’indigne Abderrahmane Elyazidi, secrétaire général du Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière. C’est vrai si l’on se fonde sur la réglementation européenne ! Mais dans les faits, ces navires sont aussi puissants, sinon plus, que nos bateaux côtiers. »

Les principaux clients achètent moins
Cette concurrence déloyale s’ajoute à une autre source de conflits avec les pêcheurs européens depuis la fin de l’ancien accord de pêche, en 1999. Près de quatre-vingts navires étrangers se sont associés à des armateurs marocains. Souvent des prête-noms. La pêche de ces bateaux, plus modernes, va directement à l’export. « Nous n’avons pas la même facilité d’accès à ces marchés, confie Fouad Benallali, armateur d’Agadir. Nous sommes beaucoup à avoir investi dans de nouveaux bateaux. Aujourd’hui, c’est une catastrophe financière »
Endettés, les armateurs marocains ont du mal à garder la tête hors de l’eau. Même le poulpe ne fait plus recette ! Surexploitées, les réserves baissent. Et les stocks sont de plus en plus difficiles à écouler. Frappés par la crise internationale, le Japon et l’Espagne, principaux clients du Maroc sur ce produit, achètent moins.
Pour Abdelfattah Zine, il faut inciter les pêcheurs à aller sur d’autres pêcheries et ne plus se focaliser sur le poulpe : « Il y a d’autres espèces de poissons nobles dans les eaux marocaines qui pourraient rapporter gros, analyse-t-il. Mais aucun plan n’a été mis en place pour étudier ces nouvelles possibilités. Pis, les investissements dans le secteur sont gelés depuis 1992, empêchant les pêcheurs de se reconvertir. »
Mesures sociales, fiscalité allégée, mise à niveau des infrastructures portuaires, optimisation des circuits de commercialisation les revendications des marins sont nombreuses. Néanmoins, une lueur d’espoir est apparue avec l’arrivée d’Aziz Akhannouch, le nouveau ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime. Confronté à une grève d’une vingtaine de jours en mai, il a accordé une subvention à la pompe pour les pêcheurs côtiers (ils paient le litre de carburant 7,5 DH, contre 8,5 pour les pêcheurs hauturiers) et promis des exonérations fiscales. Mais Aziz Akhannouch a surtout fait parler de lui en décidant de relancer, en juillet, le plan de mise à niveau et de modernisation des pêches côtières et artisanales (rénovation des navires, équipements de froid, GPS, aides à la reconversion). Le plan dormait dans les tiroirs du ministère depuis 1997. Il coûtera 5 milliards de DH (437 millions d’euros) financés en partie par les banques, l’État et les professionnels. Une stratégie de la dernière chance.

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