Les sumotoris de l’île Maurice

Publié le 3 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

« Flexion… extension… rotation… » D’une voix autoritaire, Parsad Balkissoon, la cinquantaine, visage massif, cheveux longs et barbe grise, dirige l’échauffement de ses athlètes. Il ne les quitte pas des yeux, attentif au moindre geste. Celui que l’on appelle affectueusement « Big Boss » est président des Fédérations africaine et mauricienne de sumo. En 1995, Balkissoon découvre le sport favori des Japonais lors d’un voyage au pays du Soleil-Levant. Séduit par ces combats de « dinosaures » qui allient puissance physique et tradition, il fonde la Fédération mauricienne. Professeur d’éducation physique et propriétaire d’une salle de culturisme, il invite alors ses élèves et amis à découvrir cette lutte traditionnelle. Il installe une salle d’entraînement au dernier étage de sa grande maison, située à deux pas du marché de Flac*, qui comprend déjà une épicerie au rez-de-chaussée et un restaurant au deuxième étage. Les nouveaux venus apprécient rapidement ces joutes. Dix ans plus tard, la Fédération compte 1 400 pratiquants dans l’ensemble du pays. Les structures sportives ne sont pas très développées, les autorités n’accordant aucune subvention de fonctionnement au club, mais la passion est là. « Le sumo demande peu de moyens. Nous n’avons besoin que d’une ceinture – mawashi – et nous nous entraînons sur la plage après le travail », explique Balkissoon Rishisingh, sportif de l’ouest de l’île.
Le soir, les touristes de passage à Maurice peuvent tomber sur ces colosses qui, entre deux éclats de rire, mesurent leurs forces. Certains lutteurs sont nus sous leur ceinture, comme les Japonais, d’autres préfèrent mettre un collant, par pudeur. Les filles portent également des tee-shirts pour ne pas offrir leurs rondeurs au regard des spectateurs. L’esprit de camaraderie et de solidarité est très fort chez les lutteurs. Sous leur aspect massif se cache souvent une grande délicatesse. Dans la vie, ils se font remarquer par leur attitude joviale et détendue.
Simple à pratiquer à première vue, le sumo requiert néanmoins de nombreuses qualités. « C’est un mélange de technique, de force et de ruse. Il est très important de développer sa gravité et sa stabilité. Il existe une multitude de prises et de points d’action pour faire perdre l’équilibre à son adversaire. Ce ne sont pas les plus gros qui gagnent, mais les plus complets », explique Goolam Cader Aley, entraîneur de Port-Louis.
Keshav Balkissoon, le fils du Boss, accroupi dans un coin de la salle, soulève latéralement une jambe après l’autre et foule le sol énergiquement. Cette action, le shiko, empruntée à un rite religieux, servait à l’origine à écraser les mauvais esprits. Dernier exercice d’échauffement avant de pénétrer sur le dohyô (enceinte où se déroule la lutte), ce geste permet à la fois de s’étirer et de se concentrer. Le long cérémonial de préparation des sumotoris contraste avec la brièveté du combat – quelques secondes en général, deux minutes dans les cas exceptionnels.
Assis au pied du dohyô, Keshav et son adversaire sont impassibles. Puis ils sont appelés par l’arbitre, le gyoji. « Nous essayons de respecter les rituels, précise Parsad Balkissoon. Dans les compétitions officielles, les lutteurs prennent une poignée de sel de purification, se tournent vers l’intérieur du dohyô et la lancent devant eux en avançant. » Accroupis, les lutteurs bondissent l’un vers l’autre. Leur énergie physique et morale explose au moment où ils se rencontrent dans la collision du tachi-ai. Le choc entre deux énormes masses – souvent 200 à 300 kg de chair et de muscles – émet un bruit sourd.
Parsad a effectué une dizaine de voyages au Japon, ces dernières années, pour étudier les subtilités du combat avec les maîtres nippons. Régulièrement, de grands entraîneurs japonais sont invités à Maurice pour dispenser leur savoir. Tokyo voit d’un bon oeil la diffusion de ce sport dans les autres régions du monde. C’est une occasion de parler du Japon. Une vingtaine de pays pratiquent désormais le sumo en Afrique, dont Maurice, l’Afrique du Sud et l’Égypte.

* Ville du centre-est de l’île.

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