Des pétroliers pas très clairs

Publié le 3 juillet 2005 Lecture : 2 minutes.

Les paiements et les revenus générés par l’industrie extractive restent largement opaques. C’est le constat dressé par l’ONG britannique Save the Children dans son dernier rapport paru le 23 juin. Intitulé « Dépasser la rhétorique, mesurer la transparence des revenus », il a été réalisé avec le soutien de la plate-forme « Publiez ce que vous payez », fondée en 2002 et qui regroupe près de trois cents associations.
Les plus grandes entreprises du secteur, des « indépendants » et des sociétés nationales ont été passées au crible de la transparence pour leurs opérations dans six pays : Angola, Azerbaïdjan, Indonésie, Nigeria, Timor Leste et Venezuela. Résultat : sur les 25 compagnies étudiées, 23 sont épinglées pour leur faible degré de transparence. Critères retenus : la transparence des paiements aux États où elles exploitent ces ressources, la publication d’informations sur les questions connexes comme la production, les réserves, les coûts et les profits, et, enfin, l’existence d’un environnement incitant à la lutte contre la corruption. « Les sociétés asiatiques et la firme russe Lukoil se retrouvent aux dernières places, et Total est le plus mal placé des groupes occidentaux, indique Francis Perrin, d’Amnesty International. Au-delà des discours et des déclarations, Total ne divulgue rien des paiements qu’elle verse pays par pays. Seules deux compagnies canadiennes – Talisman Energy et TransAtlantic – dominent largement le classement. Leur bonne performance est à mettre en regard avec la législation canadienne. » En effet, au Canada, les entreprises sont obligées de notifier les paiements effectués, pays par pays. Cela démontre que les « pays d’origine » ont la possibilité de légiférer pour contraindre les compagnies à publier ce qu’elles versent aux gouvernements. La promotion de la transparence n’est pas seulement de la responsabilité des pays « hôtes ». L’Initiative sur la transparence des industries extractives (EITI), lancée en 2002 par le Premier ministre britannique Tony Blair, et qui a pour objectif d’encourager les États pétroliers, gaziers et miniers à publier la totalité des revenus qu’ils perçoivent des compagnies (le Nigeria, le Ghana et le Congo y ont adhéré), est donc essentielle mais insuffisante.
La diversité des performances réalisées par différentes compagnies dans un même pays montre que les entreprises ont davantage de marge de manoeuvre qu’elles ne l’admettent souvent. Au Nigeria, par exemple, Shell a largement divulgué les paiements réalisés, contrairement aux autres compagnies. L’argument commercial selon lequel ces informations sont confidentielles pour raison de concurrence ne tient pas la route. Pour les auteurs du rapport, l’industrie extractive compte un petit nombre d’entreprises. Et elles savent très bien, entre elles, ce que chacune paie. L’étude révèle également qu’une même entreprise obtient des résultats très variables selon les pays. Si Shell réussit le meilleur score au Nigeria (82 %), sa performance globale (29 %) est affaiblie par ses mauvaises pratiques de divulgation au Venezuela.
La bonne gestion de la rente pétrolière, gazière ou minière passe inévitablement par davantage de transparence. Il faut que les États aient des comptes à rendre sur l’utilisation des sommes qu’ils encaissent de la part des compagnies qui opèrent sur leur territoire. Faute de quoi ni les populations, ni leurs élus, ni les organisations non gouvernementales ne peuvent apprécier l’utilisation qui en est faite. Avec ce rapport, Save the Children et « Publiez ce que vous payez » entendent faire pression en ce sens sur les compagnies. Mais aussi sur les gouvernements du Nord réunis pour le sommet du G8, du 6 au 8 juillet, à Gleneagles.

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