Le cas zambien

Publié le 3 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Le juge de la Haute Cour de Londres a tranché le 24 avril : la Zambie devra verser 17 millions de dollars à la société Donegal International, domiciliée dans les ïles Vierges, en remboursement d’une dette rachetée moins de 4 millions de dollars. Cette décision de justice illustre une nouvelle fois l’activité des charognards financiers qui ciblent les pays pauvres. En 1979, la Zambie avait acheté des tracteurs agricoles à la Roumanie, qui lui consentit un prêt à cette fin. Assez vite, Lusaka se montra incapable de rembourser sa dette. Des négociations s’ouvrirent avec Bucarest. En 1999, les deux pays s’entendent pour liquider la dette pour 3,2 millions de dollars. Avant que l’accord soit signé, Donegal International, filiale de l’américain Debt Advisory International, surenchérit et reprend la créance roumaine pour un peu plus cher. Le piège se referme sur la Zambie. Donegal mobilisera ses juristes et demandera le remboursement de 55 millions de dollars, intérêts compris. Des actifs zambiens à l’étranger sont mis sous séquestre à sa demande. Finalement, le jugement de la Cour de Londres est moins catastrophique qu’on le redoutait : la somme consentie par le juge est trois fois moins importante que celle demandée par Donegal et les biens zambiens ne sont plus gelés.
D’autres prédateurs s’étaient acharnés sur le Pérou avec la même tactique éprouvée : Elliott Associates, domicilié à New York, avait obtenu en 2000 d’une juridiction bruxelloise le paiement de 55 millions de dollars, soit l’intégralité d’une vieille dette rachetée à 11 millions de dollars.
En 2002, plusieurs personnalités s’étaient indignées de ces pratiques. Gordon Brown, le chancelier de l’Échiquier, avait condamné « tout particulièrement la perversité des fonds vautours qui achètent à prix réduit une dette et qui en tirent un profit scandaleux en réclamant le paiement intégral de cette dette au pays débiteur ». Outre que ces fonds s’attaquent à des pays très pauvres qui ont un besoin criant d’argent, le scandale tient aussi au fait qu’ils profitent de l’aide internationale à ces pays. Ainsi la somme exigée de la Zambie équivalait à l’annulation de dette consentie à ce pays en 2006. « Il faut trouver une parade à leurs activités nuisibles, déclare Sébastien Fourny, chargé de campagne à Oxfam France. Il est invraisemblable que ces fonds puissent obtenir le paiement d’une dette au moment où les organismes internationaux et les donateurs effacent la leur. Si on n’y met pas le holà, ces pays défavorisés ne s’en sortiront jamais. »
Mais il n’est pas facile de contrer ceux que les Anglo-Saxons baptisent des free riders, c’est-à-dire des « voyageurs sans billets ». Leur titre de créance est incontestable et l’absence de droit international des faillites des États leur permet de s’en prévaloir n’importe quand et n’importe comment, d’autant qu’ils se présentent de façon indue comme des sortes de justiciers capables de faire rendre gorge à des dirigeants corrompus.
La plus simple des solutions consisterait, pour les pays endettés, à racheter leur propre dette, mais cette perspective de rachat pourrait faire monter les cours. La difficulté tient aussi au fait qu’il serait dangereux d’interdire la revente des créances sur le marché secondaire par les pays prêteurs soucieux de récupérer plus vite une partie de leur mise, car cela raréfierait et renchérirait les prêts. Il faut donc modifier la loi et mettre des conditions pour que les tribunaux n’entérinent pas mécaniquement des pratiques usurières. Il est évident qu’une loi française n’empêcherait pas les vautours de poursuivre leurs assauts judiciaires à Londres ou à New York, mais elle réduirait leur capacité d’action devant les tribunaux d’une France qui a tant de liens avec l’Afrique, et elle aurait valeur d’exemple, notamment en Europe.
À quand une action concertée franco-britannique entre Gordon Brown, futur Premier ministre de Sa Majesté, et le nouvel occupant de l’Élysée pour chasser ces oiseaux de malheur ?

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