Jour de fête au Caire

Publié le 3 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Le jour de mon arrivée au Caire, les rues étaient plutôt calmes. La furie automobile que l’on m’avait promise, ses congestions, son CO2 étouffant étaient absents. Je décide de me promener. En passant devant le zoo de Guizeh, la foule impatiente qui se presse aux guichets d’entrée attire mon attention. Intriguée, j’achète moi-même un ticket – 1 livre, soit 0,13 euro et je franchis les grilles du jardin. J’y trouve la fameuse effervescence cairote : assises autour d’un copieux pique-nique, les familles recouvrent intégralement les maigres pelouses, on aperçoit à peine les animaux derrière les visiteurs admiratifs ou amusés qui se collent aux cages, et les allées sont noires de monde. Une mère de famille insiste pour que je goûte au poisson séché qu’elle a préparé. Je finis par lui poser la question : pourquoi vient-elle passer sa journée dans ce jardin surpeuplé ? « Aujourd’hui c’est Chem el-Nessim, me dit-elle. On vient au zoo pour manger, se reposer, regarder les animaux et les gens », poursuit-elle avec un grand sourire.

Voici donc la clé du mystère : Chem el-Nessim est un jour férié, d’où le calme surprenant de la mégalopole de 17 millions d’habitants ce lundi 9 avril. Littéralement « Hume la brise », « Respire l’air frais », cette expression désigne la fête du printemps égyptienne, qui tombe cette année le même jour que la Pâque copte. Les ufs décorés par les enfants que l’on mange ce jour-là sont d’ailleurs un signe de parenté entre les deux fêtes. « Hume la brise » donc, ce qui sous-entend : profite de la fraîcheur des beaux jours, avant que les grosses chaleurs s’abattent sur la ville. Pour obéir à cette injonction, il est d’usage d’envahir tout espace de la ville muni d’un brin d’herbe : si le jardin public est trop loin ou trop cher, un rond-point fait l’affaire.
Le tout est d’être enjoué, et les Cairotes ne semblent pas se forcer. On s’offre des fleurs, on enfile des colliers de coquillages. « Termiss ! Termiiiss ! » Le vendeur de fèves fait retentir un cri aigu, tout en remuant les petites perles jaunes cuites dans le cumin et le citron. Les « attractions » sont nombreuses : entre les autotamponneuses, le maquilleur qui transforme les visages en papillons, les barbes à papa et les ballons multicolores, les enfants ne savent plus où donner de la tête. Trois jeunes hommes commencent à taper sur une derbouka, et bientôt toute une pelouse s’embrase : on chante, on danse, on rit, et c’est à celui qui aura la plus fière allure.

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Car on vient aussi pour voir le spectacle des autres, et se donner en spectacle. Les garçons lancent des regards appuyés, les filles font mine de s’en moquer, mais ont revêtu leurs plus belles tenues. Les voiles deviennent un outil de séduction : les différents tissus aux couleurs vives sont savamment agencés, pour mettre en valeur le dessin du visage. Rien n’est laissé au hasard, chacun s’est mis sur son trente et un. « Prends-le en photo ! » Une maman brandit son bébé comme un trophée : même les plus petits sont pomponnés.
De l’autre côté de la rue, dans le jardin botanique, le tourbillon s’apaise. Quelques horticulteurs bichonnent des fleurs délicates. Les pelouses sont clairsemées, l’herbe plus grasse. Je reprends un peu mon souffle, discute quelques instants avec un groupe de femmes, allongées dans la verdure, sous l’ombre d’un drap blanc tendu entre deux palmiers. Je profite de cette journée pour prendre le pouls de la capitale égyptienne. Passer du temps avec ses habitants est le meilleur antidote contre l’exaspération provoquée par l’enfer automobile du Caire.

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