Gilbert Fossoun Houngbo

Directeur du bureau Afrique du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud)

Publié le 3 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Nous l’attendions à 15 heures, le 24 mai. Il est arrivé à 16 heures Mais il avait pris la précaution de nous prévenir de son retard. Lorsque Gilbert Fossoun Houngbo pénètre dans les bureaux de Jeune Afrique, nous découvrons un quadragénaire de taille moyenne, en costume clair, l’air bonhomme. À peine assis, il nous annonce, comme pour s’excuser, qu’il doit prendre l’avion dans peu de temps. L’homme vit à cent à l’heure. « Je voyage énormément, confie-t-il. Je suis un peu mélomane, mais je n’ai même plus le temps de m’arrêter pour savourer le vrai jazz et le vrai blues que j’adore, avec une inclination particulière pour la rumba congolaise. » La conversation est engagée. L’homme se montre intarissable. Et passe facilement du « vous » au « tu », comme pour nous dire qu’il se sentait bien dans nos murs.

Il a étudié la gestion des entreprises à l’université de Lomé, au Togo, son pays d’origine. Et fréquenté l’université du Québec, à Trois-Rivières, au Canada, pour une formation d’expert-comptable, avant d’entrer chez Price et Waterhouse. Gilbert Houngbo se retrouve plus tard à l’ONU, en qualité de directeur administratif et financier au Pnud. Depuis le 1er février 2006, il est à la tête du bureau africain de cette institution spécialisée. À ce titre, il supervise quarante-cinq pays du continent avec, sous ses ordres, quelque 1 500 fonctionnaires. « Je pense que le fait d’être africain et de m’occuper du Pnud/Afrique me facilite beaucoup la tâche, avoue-t-il. J’ai l’impression de bien connaître les problèmes. Mais ce n’est pas une règle : un non-Africain peut tout aussi bien faire l’affaire. »
Originaire du Togo, le directeur du bureau Afrique du Pnud semble avoir des convictions en fer forgé sur le devenir d’un continent à la pauvreté endémique. Indécrottable « afro-optimiste », il croit en la capacité de l’Afrique à éradiquer la pauvreté. Cet ancien étudiant en gestion des entreprises à l’université de Lomé au Togo est keynésien convaincu. Et ne s’en cache pas : seule une croissance soutenue de l’économie pourra faire reculer la pauvreté qui gangrène le continent. Mais la seule croissance ne suffit pas. Encore faut-il que le développement économique profite aux plus pauvres.
La condition du succès ? Tirer les leçons du passé et développer, au nom de la bonne gouvernance, le sens civique chez les citoyens et les dirigeants et les amener ainsi à servir leurs pays sans en attendre un avantage personnel et immédiat. Gilbert Houngbo souhaite faire de l’orthodoxie financière et comptable un principe cardinal de la gestion publique dans les pays africains. Et insiste particulièrement sur la gestion de l’aide publique au développement. « Les bailleurs, mais aussi les pays destinataires, veulent savoir ce que les gouvernants font des sommes reçues. » Mais, il en est convaincu, les pays d’Afrique subsaharienne ne peuvent pas se passer de l’aide extérieure, y compris de celle de la Chine, tant décriée par le G8 : « Pourvu que l’argent soit utilisé pour la construction des infrastructures dans les secteurs des communications, de l’énergie, de l’éducation et de la santé. »

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Selon lui, la pauvreté induit une réelle menace pour la démocratie, qui ne doit pas se limiter aux élections libres et transparentes. « Les gens finissent par s’en détourner s’ils n’en perçoivent pas des retombées en termes de développement humain. » C’est pourquoi, il se félicite des efforts entrepris par le gouvernement de son pays qui a retrouvé la confiance des bailleurs de fonds et disposera bientôt d’une aide substantielle pour relancer l’économie.
Le bilan des plans d’ajustement structurel appliqués par le Fonds monétaire international (FMI) dans les pays africains le laisse, en revanche, perplexe. Car personne ne détient la formule magique du développement. Si ce ne sont, peut-être, les populations elles-mêmes ? Les institutions internationales ne devraient-elles pas laisser les pays en développement choisir leurs priorités au lieu d’imposer des agendas et des politiques parfois inadaptés ? Telle devrait être, à son sens, l’orientation de la réforme du système des Nations unies. « Pour ne pas être un échec de plus, les réformes entreprises actuellement devraient avoir pour finalité le développement humain, la paix et la sécurité. »

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