« Elles manquent de foi et de raison ! »
Publié le 3 juin 2007 Lecture : 2 minutes.
Les jeux sont faits. Les Français ont choisi d’élire Nicolas Sarkozy comme président de la République, soit : c’est la règle de la démocratie. Pour autant, rien n’empêche les étrangers de souche comme moi de revenir à cet événement et de le commenter à la lumière de leur propre culture. C’est ainsi que la femme musulmane que je suis ne peut cacher qu’elle est déçue par une France qui n’a pas osé élire une femme. Je ne suis pas forte en politique, mais j’avais cultivé en secret l’espoir que ce grand pays puisse donner la leçon aux nôtres. La France héritière de la Révolution française pouvait se battre sur le principe de l’égalité des sexes. La France symbole de la lutte féministe, des saint-simoniennes aux Chiennes de garde, se devait de donner un signal au monde, plus particulièrement au sud de la Méditerranée.
Non, je vous assure, ce n’est pas par féminisme outrancier. Ce n’est pas parce que je veux être plus royaliste que la Royal ou dénigrer les 53 % de Français qui ont plébiscité Sarko. Mais une fois la campagne derrière nous, je me suis demandé pourquoi, au fond, Ségolène avait perdu. N’est-ce pas parce qu’elle est femme ? La question me paraît sensée au regard des multiples attaques et insinuations dont la candidate socialiste a été la cible. Passons sur les remarques concernant son look vestimentaire, du genre « On attend maintenant une robe faite de son programme, un string peut-être ! ». Arrêtons-nous aux qualificatifs « pas compétente », « pas crédible », « pas sérieuse » (quelle femme n’a pas entendu ces reproches ?). Consultez le blog « Blanche niaise », et comptez-y le nombre de fois où l’on épingle cette candidate qui « s’énerve » et qui est « instable » (caractéristique des femmes qui ont leurs règles, n’est-ce pas ?). « Imaginez qu’on lui laisse la responsabilité du bouton rouge de la défense nucléaire ! » concluent les blogueurs en toute logique.
Autres amabilités relevées : « gaffeuse », « hystérique », « nulle en économie » (c’est connu, les femmes suivent les filières littéraires). Son travail au ministère de l’Éducation fut « léger », juge l’imposant Allègre. Sa pensée est « non construite » (les femmes sont réputées émotives). Et cet oracle de l’académicien Maurice Druon : « La bravitude nous conduit à la nullitude » !
Si aucune femme ne se sent attaquée, moi si ! Et l’argument selon lequel « si l’on veut l’égalité des sexes, le fait que Ségo soit une femme ne doit pas avoir d’importance » est, en l’occurrence, de mauvaise foi.
Ce qui me chagrine, surtout, c’est que je ne saurai plus défendre comme avant les Français sur le registre de l’émancipation ni clouer le bec à l’Arabe du coin qui ricane de ma naïveté. J’y réfléchirai à deux fois devant les féministes locales qui donnent des leçons à mes coreligionnaires en matière d’égalité politique. D’autant que je viens de me rendre compte d’une chose : tous les qualificatifs visant Ségolène que j’ai cités se trouvent résumés dans un fameux adage musulman : « Les femmes manquent de foi et de raison. » Relisez-les et vous constaterez que le sexisme est la bêtise la mieux partagée
