Séjour en Casamance

Publié le 3 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Vendredi 28 janvier 2005
9 heures. Aéroport de Dakar. L’avion est plein. Depuis le naufrage du Joola, en septembre 2002, pour gagner Ziguinchor, le voyageur est obligé de passer par l’enclave gambienne de Farafegny. Le trajet dure entre douze et vingt-quatre heures, selon les « humeurs » du bac. Du coup, l’avion est très prisé.
12 h 24. Atterrissage à Ziguinchor, 180 000 habitants. La ville est belle, avec ses maisons cachées derrière de grands baobabs, des manguiers et des orangers.
17 h 10. Je visite le lycée Djignabo. Son proviseur, l’historien Nouha Cissé, a été désigné facilitateur à la table des négociations de Foundiougne, où la paix a été discutée entre le gouvernement d’Abdoulaye Wade et le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), faction rebelle dirigée par l’abbé Diamacoune Senghor. Puis je fais un tour à l’Alliance franco-sénégalaise. Construite sur le modèle des cases à impluviums diolas par le Français Patrick Dugaric, l’Alliance est dotée d’un fonds de plus de 10 000 livres et reçoit près de 40 revues et journaux.
20 h 30. En route pour Bignona, à 30 km. La route s’enfonce à travers une forêt luxuriante. Dans le passé, aucun véhicule n’osait circuler en dehors de Ziguinchor après 18 heures Ce n’est plus le cas aujourd’hui, comme me l’explique mon chauffeur, pressé de faire l’aller-retour, car les clients sont nombreux.

Samedi 29 janvier 2005
Ville agricole, où dominent la pêche et la riziculture, Bignona compte près de 60 000 habitants en majorité diolas, mais aussi soninkés, bambaras et peuls. Ces derniers, originaires pour la plupart de Guinée, tiennent l’essentiel du commerce.
Les Bignonois se préparent à l’ouverture d’un centre artisanal. Une promesse de l’un des leurs, Landing Savané, par ailleurs ministre de l’Industrie et de l’Artisanat. Avec un budget de 80 millions de F CFA, les travaux devaient démarrer en mars. Depuis fin 2001, Bignona dispose d’un cabinet de microfinance qui a permis la création d’une quarantaine de caisses villageoises. Dirigé par l’économiste malien Mamadou Sidibé, il a embauché nombre de caissières et d’animatrices, qui sillonnent la région en moto pour faire la promotion de l’épargne et du crédit. Le tout avec le soutien de l’ONG Oxfam America.
Bignona attend aussi le transfert de l’aéroport de Ziguinchor dans son agglomération, à Tobor. « Ces nouvelles infrastructures ouvriront d’énormes opportunités à nos populations démunies », estime l’infirmier Ousmane Mbaye, qui travaille dans la région depuis sa sortie de l’école, en janvier 1977.
Ziguinchor, 23 heures. Avec un confrère, correspondant local, je m’offre un « Zig by night ». Entre le quartier Yamatogne (« C’est toi qui m’as taquiné », en wolof) et l’Escale, où se trouve le Rubis Night-Club, une boîte reprise en 2001 par l’ancien international de football Jules-François Bocandé, nous nous faisons contrôler quatre fois par des policiers un peu nerveux. Malgré cette présence policière, due aux rencontres de Foundiougne, la ville grouille de monde. Comme partout, les jeunes sortent, font la fête, vivent.

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Dimanche 30 janvier 2005
Combat de lutte au Stade municipal, entre Mamadou N’Diaye, fils de Robert Diouf, ancien champion de lutte de l’écurie sérère, et Assurance N° 2, de l’écurie guédiawaye. Le match tourne à la faveur du second, à l’issue de six rounds. La partie, honorée par la présence de Double-Less, champion des arènes sénégalaises et d’Afrique jusqu’en 1984, et de nombreuses personnalités politiques, s’inscrit dans la pure tradition diola. En Casamance, la lutte permet de réconcilier les frères ennemis. « Il n’y a rien de plus beau », dit Mamy Sonko du mouvement Kabonketoor (« se pardonner mutuellement », en langue diola). Créé en 1998, Kabonketoor a oeuvré pour le rapprochement des parties en conflit.

Samedi 12 février 2005
Brin, 15 km de Ziguinchor. Ce village de 700 habitants célèbre le soixantième anniversaire de la naissance du père du reggae, Bob Marley. Une initiative du journaliste de France Inter, Malick Boulibaï, de son frère Karime Lardjane, restaurateur dans la région, et de Ras Makha Diop, de la communauté rasta de Gorée. De 15 heures à 6 heures le lendemain matin, la ville a vécu aux rythmes des documentaires retraçant la vie et l’oeuvre du « prophète Marley » ainsi que des différents récitals. VAP’s, une formation franco-belge reprenant le folklore diola, Manu Biagui le Casamançais et Bobi FM, artiste ivoirien vivant en Angleterre, ont transformé le bois de Brin en camping rasta. Une saveur appréciée par le maire, Robert Sagna. « Je ne pouvais rater une telle jouissance », a-t-il déclaré. Le bush a troqué les armes au profit d’une soirée festive arrosée au vin de palme.

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