Révolution sous influence

Publié le 3 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Après la Géorgie en novembre 2003 et l’Ukraine en décembre 2004, une autre ex-République soviétique, le Kirghizistan, a fait sa révolution, le 24 mars. Exit le président Askar Akaïev, au pouvoir depuis 1990, qui, après des débuts démocratiques, avait cédé à l’autoritarisme avec d’autant plus de facilité que son pays s’enfonçait dans la misère. À nouveau, les États-Unis pavoisent. Car les champions de ce printemps kirghiz ne sont pas seulement les trois grandes figures de l’opposition, mais… le département d’État et les ONG américaines qui, depuis le début des années 1990, mènent, sur les marches de la Russie, une politique dynamique – voire agressive – de promotion de la démocratie.

Freedom House (dirigée par James Woolsey, un ex-patron de la CIA), l’Open Society (la fondation du milliardaire George Soros), le National Democratic Institute (de l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright), présents sur le terrain, encadrent des centaines d’ONG locales qui, dans leur sillage, oeuvrent dans tous les domaines susceptibles de transformer la société civile (éducation, santé, droits de l’homme…). Elles ont également joué un rôle décisif dans le financement des médias indépendants et de mouvements étudiants comme Kel-Kel Viens-Viens »), fer de lance de la contestation. Résultat : la jeunesse, qui bénéficie déjà d’une université américaine à Bichkek, ne rêve plus que de partir étudier aux États-Unis. Et, en dix ans, plusieurs opposants ont été invités à Washington et reçus au département d’État. « Après avoir fait, pendant un mois, le tour des États-Unis, ils reviennent avec une autre vision du monde… et très loyaux envers leurs bienfaiteurs », rapporte un observateur.
Ces derniers ont de nombreuses raisons de s’attacher les faveurs du Kirghizistan. Car si le pays, montagneux, est dépourvu de richesses naturelles, il est situé au coeur d’une zone stratégique : frontalier de la Chine et de l’eldorado pétrolier du Kazakhstan, il est aussi proche de l’Afghanistan. Après les attentats du 11 septembre 2001 et le déclenchement de l’offensive contre les talibans, Washington a obtenu de Bichkek l’autorisation d’ouvrir une base militaire aérienne à Manas. Deux ans plus tard, c’était au tour de Moscou d’en ouvrir une toute proche, à Kant. Mais la compétition américano-russe, si elle est réelle, n’est pas de nature à faire basculer le Kirghizistan dans le camp occidental, d’autant que le pays n’a jamais cessé d’entretenir de bonnes relations avec Moscou. Comme le résume Rosa Otounbaïeva (ex- et nouvelle ministre des Affaires étrangères), « le Kirghizistan n’est pas l’Ukraine. La Russie est notre Occident. Nous ne pouvons pas passer par-dessus elle pour rejoindre l’Europe. Nous nous trouvons en Asie. Ici, tout est différent… »

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Les régimes autoritaires voisins d’Asie centrale ont, eux, tout à redouter du travail des ONG américaines : en Ouzbékistan, le dictateur Karimov a fermé la fondation Soros et tente de faire de même avec Freedom House.

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