Professeur Olivier Bouchaud

Responsable du service de médecine tropicale, hôpital Avicenne de Bobigny (région parisienne)

Publié le 3 avril 2005 Lecture : 4 minutes.

Depuis octobre 2004, la fièvre de Marburg a fait plus de 120 morts à Uige, dans le nord de l’Angola. En mars 2005, deux cas ont été signalés à Luanda, la capitale. La progression a semé un vent de panique dans le pays et en RD Congo. Le virus a été découvert il y a quarante ans, et les chercheurs ne peuvent se fonder que sur les trois flambées enregistrées depuis pour tenter de mieux le comprendre.

Jeune Afrique/l’intelligent : Quelle est l’origine de l’épidémie de Marburg qui s’est déclenchée en Angola?
Professeur Olivier Bouchaud : Actuellement personne n’en sait rien. Nous n’avons pas identifié avec certitude le réservoir à virus, c’est-à-dire l’animal ou le milieu qui permet au virus, à un moment donné, de déclencher l’épidémie par un contact avec l’homme. Ici, on a tendance à penser, sans preuve définitive, que le réservoir est une chauve-souris.
J.A.I. : Comment se transmet le virus de l’animal à l’homme ?
Pr.O.B. : Les chauves-souris sont infectées de façon chronique. À un certain moment, il y a tellement de chauves-souris malades que les contacts indirects avec les hommes sont suffisants pour déclencher une épidémie.
J.A.I. : Quelle est la particularité de l’épidémie actuelle ?
Pr.O.B. : La prédominance d’enfants touchés est inhabituelle. Ils représentent environ les trois quarts des personnes décédées. On n’a pas un grand recul sur cette fièvre. Mais, lors des derniers cas, notamment en RD Congo en 1998-2000, tout le monde était touché. Il y a donc là un petit élément épidémiologique pas clair. Sauf si l’on imagine que c’est au sein du service de pédiatrie même que la transmission a pu se faire.
J.A.I. : Quelle est la différence entre la fièvre de Marburg et celle d’Ebola ?
Pr.O.B. : Elles sont très proches, car les deux virus appartiennent à la même famille. Les manifestations cliniques sont semblables. D’abord un syndrome grippal très marqué, puis des complications hémorragiques, une atteinte du foie et une encéphalite. Quand on voit un patient qui présente ce type de fièvre hémorragique, il est pratiquement impossible de dire de quelle épidémie elle provient. Il faut identifier le virus qu’il porte pour le savoir.
J.A.I. : Existe-t-il un traitement contre la fièvre de Marburg ?
Pr.O.B. : Nous ne disposons d’aucun traitement spécifique. On peut seulement faire des traitements symptomatiques.
J.A.I. : Quel est le taux de mortalité ?
Pr.O.B. : La mortalité peut monter jusqu’à 70 % des personnes infectées. Cette fois, on est plutôt dans une fourchette haute. Le fait qu’elle touche beaucoup les enfants n’y est sûrement pas étranger.
J.A.I. : Quel est le risque de propagation dans la région ?
Pr.O.B. : Il est très limité. Ce genre d’épidémie reste circonscrit à des foyers. Néanmoins, la diffusion sous forme d’autres microfoyers n’est pas impossible, à partir du moment où l’épidémie sème la panique. Des gens infectés mais pas encore malades peuvent fuir et essaimer dans d’autres foyers où l’on n’a pas encore pris les dispositions de quarantaine.
J.A.I. : Aujourd’hui, en Angola, certains cas ont été déclarés dans la capitale, Luanda. Dans une grande ville, la propagation du virus n’est-elle pas plus rapide ?
Pr.O.B. : Il y a toujours un danger. Dans une ville comme Luanda, où l’on est au courant du risque et où il y a un certain nombre d’intervenants qui savent ce qu’il faut faire, le risque d’une épidémie grandeur nature est très limité. Ce sont des virus contagieux, mais il faut un contact avec les personnes malades ou avec les corps. Il y a des moyens simples et efficaces pour éviter cette transmission.
J.A.I. : On n’envisage donc pas la situation du syndrome respiratoire aigu sévère (sras) en Asie ?
Pr.O.B. : Non. Le sras se transmet par voie aérienne. C’est beaucoup plus difficile à contrôler. Dans le cas des fièvres hémorragiques, il faut un contact direct avec les sécrétions (urine, sang, sperme…).
J.A.I. : Des spécialistes ont-ils été envoyés sur place ?
Pr.O.B. : L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a des correspondants locaux, et des experts ont été envoyés. Des prélèvements du virus ont été expédiés au Centre fédéral d’Atlanta et à l’Institut pasteur de Dakar. Une équipe de Médecins sans frontières est partie pour intervenir sur le foyer.
J.A.I. : Où en est la recherche sur ces virus ?
Pr.O.B. : Elle n’est pas très développée, car ce sont des préoccupations très ponctuelles. Même si les conséquences sont dramatiques localement, cela ne touche que quelques centaines de personnes – au pire. Les risques en termes de santé publique ne sont pas énormes. Donc, il n’y a pas d’investissement considérable. Pour le moment, il n’existe aucun vaccin disponible et efficace.

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