Pour réussir le « faire savoir »

Publié le 3 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Pourquoi les médias, qu’ils soient audiovisuels ou écrits, s’intéressent-ils beaucoup plus, et bien plus souvent, aux personnalités qui exercent le pouvoir qu’à celles qui sont dans l’opposition ?
Le phénomène n’est, hélas, pas discutable. Il se vérifie d’un siècle à l’autre et l’on peut noter qu’il en est ainsi dans tous les pays, qu’ils soient développés ou non, qu’ils vivent en régime démocratique ou sous la férule d’un autocrate : les faits et gestes des hommes et des femmes qui détiennent le pouvoir sont suivis de près et relatés avec beaucoup de précision, tandis que ceux des opposants tendent à être ignorés et à ne susciter, dans le meilleur des cas, qu’un intérêt sporadique ou superficiel.
Pourquoi en est-il ainsi ? À qui incombe la responsabilité de ce déséquilibre fâcheux pour la démocratie et pour l’alternance, qui en est la meilleure illustration ? Comment
peut-on au moins atténuer cette injustice ?

En tant qu’homme de presse, je sais que les médias portent une part de responsabilité : nous-mêmes sommes un pouvoir et, à ce titre, notre inclination naturelle est de nous
intéresser aux autres pouvoirs, que ce soit pour nous opposer à eux ou, plus rarement, pour les conforter. Nous pensons de surcroît que ceux qui nous lisent ou nous écoutent
sont, en règle générale, plus intéressés par les gens de pouvoir que par les opposants, et nous allons ainsi dans le sens de leur attente (réelle ou supposée).
Si nous voulons être à la hauteur de notre mission, nous devons, nous, hommes de presse, veiller en permanence à corriger le tir et à infléchir notre intérêt pour donner plus de « visibilité » aux opposants, en tout cas à ceux qui le méritent.

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Cela dit, même avec une presse plus consciente de ses responsabilités, le déséquilibre ne disparaîtra que si les « victimes » elles-mêmes les oppositions se transforment.
Au journaliste, elles paraissent trop souvent fragmentées, irréalistes ou même irresponsables. Les chiffres qu’elles avancent sont rarement vérifiés, et les porte-parole qu’elles se donnent tiennent souvent des propos trop radicaux pour être crus ou trop violents pour être cités.
Notre conseil aux dirigeants des oppositions, où qu’elles soient, mais en Afrique plus particulièrement, est de se fédérer pour faire le poids, de s’ancrer dans leur société pour en être représentatifs, d’élaborer des programmes réalistes fondés sur une analyse sérieuse des situations qu’ils disent vouloir corriger. Et qu’ils affectent aux relations avec la presse leurs éléments les moins excités, les plus raisonnables.
Ainsi, et ainsi seulement, ils réussiront à intéresser les journalistes. Et à les utiliser pour faire savoir à l’opinion qui ils sont et ce qu’ils font.

Les organes de presse écouterontune opposition dès qu’il leur apparaîtra qu’elle constitue une alternative crédible au pouvoir qu’elle combat.
Deux exemples viennent à l’esprit : l’Union de la gauche en France, autour de François Mitterrand, à la fin des années 1970, et ce que j’appellerais l’Union des centres au Sénégal, autour d’Abdoulaye Wade, il y a tout juste cinq ans.

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