Les francs-tireurs de la répression

Publié le 3 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

A côté des 57 000 hommes recrutés et formés par les Américains et les autorités militaires irakiennes, quelque 15 000 irréguliers ont décidé de lutter eux aussi contre l’insécurité. Depuis l’automne dernier, ils mènent le combat contre les insurgés. Les responsables américains leur laissent toute liberté d’action, même si certains s’inquiétent des risques d’affrontement avec l’armée et la police « officielles ». Plutôt que de rejoindre celles-ci, les membres de ces « brigades irakiennes irrégulières », sur lesquelles a enquêté le Wall Street Journal, ont préféré rejoindre un chef charismatique, des coréligionaires ou des membres de leur tribu. Le général David Petraeus, qui supervise l’ensemble des opérations de formation et d’équipement des unités irakiennes, se déclare « plutôt disposé à encourager leurs initiatives », parce que « plus vite on passera la main, mieux ce sera ».
La première brigade d’irréguliers, les « Commandos spéciaux de la police », a été constituée au mois de septembre 2004 par le général Adnan Thavit, un oncle du ministre de l’Intérieur par intérim. Une patrouille du général Petraeus a découvert son cantonnement dans une ancienne caserne de la Garde républicaine, à Bagdad. Un millier d’hommes campaient dans des bâtiments délabrés, sans eau ni électricité. Mais ils disposaient d’un stock soigneusement entretenu de lanceurs de grenades, de tubes de mortiers et de munitions. Ancien officier de renseignement dans l’armée de Saddam Hussein, le général Adnan (63 ans) a suivi les cours d’académies militaires soviétiques et yougoslaves. En 1996, il a été condamné à la prison à perpétuité pour avoir comploté contre le raïs et incarcéré à Abou Ghraib. Il a été libéré avec son adjoint, le général Rachid Flayech Mohamed, juste avant l’invasion américaine, en même temps que plusieurs milliers d’autres prisonniers politiques et de droit commun.
Le général Petraeus est venu en personne visiter le camp des Commandos. Impressionné par la discipline qui y régnait, il leur a aussitôt accordé des crédits pour aménager leurs locaux et acheter des armes, des munitions, des véhicules et du matériel de transmission. Les volontaires des Commandos sont soigneusement sélectionnés par les généraux Adnan et Rachid, contrairement aux recrues de l’armée régulière, souvent enrôlées à la va-vite. Adnan explique au Wall Street Journal que son seul objectif est de défendre le gouvernement irakien démocratiquement élu contre les insurgés, parce qu’il a « constaté que la police était incapable de faire échec aux terroristes ».
Fin novembre, d’autres unités d’irréguliers ont fait leur apparition, parmi lesquelles la « Brigade Muthana », créée par le Premier ministre Iyad Allaoui. Sept autres ont suivi, dans le courant du mois de janvier : les « Défenseurs de Bagdad », la « Brigade Amarah », etc. À la veille des élections (le 30), le général Petraeus a demandé une enquête sur une unité de deux mille hommes qui se faisait appeler la « Deuxième Brigade des défenseurs de Bagdad ». Elle campait dans des tentes et des hangars sur l’aéroport abandonné de Muthana. Ses membres étaient tous originaires de villes chiites du Sud. Son commandant, le général Fouad Faris, formé à l’académie militaire britannique de Sandhurst, était un proche du ministre de la Défense. Petraeus et ses conseillers souhaiteraient que les autorités irakiennes assoient leur autorité sur ces brigades d’irréguliers et coordonnent leurs activités. Mais, selon eux, les moyens de pression dont ils disposent sont limités.

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