La Commission pour l’Afrique : un suicide assisté ?

Publié le 3 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Personne ne peut nier les belles propositions que contient le rapport de la Commission Blair pour l’Afrique : meilleure gouvernance, réduction de la dette et des dépenses militaires, lutte contre la corruption, ouverture des marchés des pays riches aux produits africains, contrôle des agences de crédit à l’exportation…
Mais on n’a jamais fait un « plan Marshall » avec de simples paroles. D’où sortiront les 25 milliards de dollars d’aide additionnelle par an que recommande la Commission ? Pour les mobiliser, il faudra surmonter les contraintes budgétaires des pays « riches » et les réticences de leurs ressortissants envers un continent qu’ils jugent irresponsable.
En un temps où les Européens ont le droit de débattre de la Constitution qui doit sceller leur destin, le paternalisme de Tony Blair, proche du « baby-sitting », est inacceptable. Son rêve africain fait d’ailleurs sourire ses opposants, qui brocardent l’échec de sa gestion, à domicile, des services publics. D’autres sceptiques sont déroutés par sa soudaine passion pour le continent. Tous n’y voient qu’une opération de relations publiques.
Sa mission salvatrice est également sabordée par les dirigeants africains eux-mêmes, la plupart étant passés maîtres dans l’art du blanchiment politique, même s’ils se revendiquent de concepts séduisants comme la bonne gouvernance, les droits de l’homme ou la médiation dans les conflits. Obsédés par le pouvoir, ils ont mis leurs pays en coupe réglée et créé une oligarchie tropicale, sur le modèle de celle léguée à la Russie par l’ancien président Boris Eltsine. Ils sont les dignes héritiers de leurs prédécesseurs de la guerre froide, qui s’appuyaient sur la menace communiste pour tirer le maximum des pays occidentaux.

La démocratie est leur dernier gadget. Mais elle n’est qu’un vernis qui ne change rien au sort des plus démunis, oubliés de l’aide et ignorés dans les débats qui concernent le continent. On ne les a consultés ni sur le Nepad, ni sur cette pâle copie de l’Union européenne qu’est l’Union africaine.
In fine, tant que les chefs d’État africains n’auront pas été contraints de mettre leurs paroles en pratique, aucun plan, projet ou stratégie n’y changera rien. Les bailleurs de fonds, aidés par une opinion africaine enfin tirée de sa léthargie, se doivent de leur imposer un ajustement structurel politique rigoureux. Avec une première exigence : la formulation d’un consensus africain crédible pour acclimater des normes macropolitiques délestées des pesanteurs socioculturelles. Mais ces partenaires, dont Blair fait partie, ont-ils intérêt à voir l’Afrique se développer ? Ne cherchent-ils pas simplement à la contrôler, de loin, en influençant les taux de change, les cours des matières premières, en recueillant ses élites et capitaux détournés et en ramassant ses entreprises bradées au nom de la privatisation ? On observera que la compassion occidentale se limite à des aides ciblées pour lutter contre le paludisme ou le sida, comme s’il s’agissait d’établir un cordon sanitaire autour du continent. Personne, même Tony Blair, ne fera le développement de l’Afrique à la place des Africains. Il doit venir de l’intérieur.

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Adama Gaye, journaliste, consultant international

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