Les raisons d’internationaliser la Banque africaine de développement

Publié le 3 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Les statuts de la Banque africaine de développement (BAD), née en 1963, bien qu’ils aient été révisés au fil des crises et des mutations, ne sont plus adaptés au monde de la finance d’aujourd’hui. Ni aux besoins des cinquante-trois pays bénéficiaires, ni aux ressources fournies par ses bailleurs de fonds (vingt-quatre pays non-régionaux, les PNR). Le changement s’impose. Mais lequel ?
En quarante-cinq ans, la Banque est passée par trois phases différentes. La première – une banque exclusivement africaine (1963-1972) – a finalement débouché sur une crise de leadership (conflit entre le président et le conseil d’administration). Elle a surtout été marquée par l’insuffisance de moyens financiers : moins de 100 millions de dollars de prêts par an pour un capital de 250 millions. La deuxième phase (1972-1982) est celle du pragmatisme : la Banque reste 100 % africaine, mais elle accepte que des PNR mettent des ressources sur une caisse à part, le Fonds africain de développement (FAD), où les décisions se prennent à 50/50 (50 % BAD, 50 % PNR). Ainsi renforcé, le groupe (BAD + FAD) parvient à tripler ses opérations, à 300 millions de dollars par an.

Au début des années 1980, la Banque change de président et admet qu’elle ne pourra pas refuser plus longtemps d’ouvrir son capital à ses partenaires non-régionaux. C’est chose faite en 1982. Les vingt-quatre pays du FAD entrent au capital, qui grimpe à 6,3 milliards de dollars, et les opérations franchissent la barre du milliard de dollars par an ! Trop d’argent d’un seul coup. Le président de la Banque entend le gérer à sa guise. Mais le conseil d’administration ne veut pas céder. Nouveau conflit de pouvoir. La Banque plonge dans les abîmes. Le Marocain Omar Kabbaj est chargé du sauvetage, et la BAD entre dans la troisième phase de son existence (1995-2005), celle de l’assainissement financier et de l’éradication définitive des problèmes de leadership.
Le capital de la BAD atteint désormais 33 milliards de dollars, les opérations dépassent les 4 milliards par an et le portefeuille de la Banque se voit attribuer la note « triple A » par les agences internationales de rating. Dans ces conditions, pourquoi chercher une nouvelle stratégie ? Donald Kaberuka, élu en 2005 pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois, veut donner plus d’air à la Banque, plus de puissance financière, plus de voix sur la scène économique africaine. Il a commencé par tripler le soutien de la Banque au secteur privé à hauteur de 2 milliards de dollars et plus par an (davantage que ce qu’a obtenu le secteur public en 2007, une première dans l’histoire de la Banque). Il a restructuré les moyens d’intervention sur le terrain, avec le concept « proche du client ».

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Il a réformé l’administration dans le sens de la bonne gouvernance et d’une « tolérance zéro » vis-à-vis des écarts de comportement de son personnel. Enfin, il a renforcé la confiance avec les partenaires non-régionaux. Ceux-ci ont renouvelé les ressources du FAD – pour la onzième fois – en lui accordant 8,9 milliards de dollars pour les trois années à venir (2008-2010), une augmentation de 52 % sur la période précédente. Mais le bras armé de la Banque – le guichet BAD – reste ligoté par les statuts.
Après un travail d’investigation et de consultation qui a duré quinze mois (d’octobre 2006 à janvier 2008), les experts indépendants ont tranché : la Banque doit changer pour épouser son temps, elle doit définir une vision stratégique à l’horizon 2030, elle doit devenir le « premier organisme de développement en Afrique » (devant la Banque mondiale). Elle doit aussi avoir davantage de ressources financières, de moyens humains, de pouvoir pour combattre la corruption, lutter contre la pauvreté, promouvoir l’intégration régionale. Ce programme, qualifié de « réaliste et optimiste », sera soumis aux gouverneurs de la Banque – les 77 ministres des Finances – lors de leur prochaine réunion à Maputo, au Mozambique (14-15 mai). S’il échoue, il est certain que cela brisera l’élan de la Banque et risque de plonger une nouvelle génération d’Africains dans la pauvreté.

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