Le facteur démographique

Publié le 3 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Comme dans beaucoup d’autres pays africains, l’explosion de violence au Kenya peut avoir un lien avec une explosion démographique qui a échappé aux médias locaux et internationaux.
En seulement quatre-vingts ans, la population kényane a bondi de 2,9 millions d’habitants à 37 millions. Si l’Amérique avait connu une telle croissance démographique depuis 1928, où la population était de 120 millions d’habitants, elle en compterait aujourd’hui 1,56 milliard.
Le Kenya appartient à un groupe d’une quarantaine de pays qui ont eu une croissance démographique exceptionnellement élevée. Dans ces pays, pour 1 000 adultes masculins âgés de 40 à 44 ans, on trouve au moins 2 500 garçons âgés de 0 à 4 ans. Au Kenya, on en trouve 4 190.
Entre 1950 et 1985, l’indice de fécondité kényan a tourné autour de 8 enfants par femme. En 2007, chaque Kényane a donné naissance à une moyenne de 5 enfants (contre 2 par femme aux États-Unis et 1,6 en Grande-Bretagne), et il y avait 40 naissances pour 10 décès. Les chiffres correspondants aux États-Unis ont été de 14 naissances pour 8 décès et en Grande-Bretagne de 10 naissances pour 10 décès.

Conséquence, les Kényans de sexe masculin ont un âge moyen de 18 ans, contre 35 ans aux États-Unis et 39 ans en Grande-Bretagne. Et 42 % des Kényans de sexe masculin ont moins de 15 ans, contre 20 % aux États-Unis et 17 % en Grande-Bretagne. Et du fait de l’amélioration des conditions de vie, ces jeunes Kényans ont plus de dynamisme et d’ambition que leurs aînés.
Le Kenya est ainsi un cas de violence intérieure inspirée par ce que j’appellerais une « poussée de jeunesse » – une période de rapide croissance démographique avec 30 % à 40 % d’adolescents et d’adultes de sexe masculin âgés de 15 à 29 ans.
Avec autant d’hommes jeunes frustrés, mieux nourris et mieux instruits qu’ils ne l’ont jamais été, mais qui n’ont que peu de perspectives de trouver un bon emploi, les pays où cette poussée de jeunesse a eu lieu sont exposés à une forte agitation sociale. Dans ceux où des taux de natalité élevés s’accompagnent d’une grande misère et d’une alimentation pauvre, les jeunes sombrent le plus souvent dans la léthargie. Mais dans d’autres comme le Kenya, les jeunes qui ne se voient pas d’avenir n’hésiteront pas devant la violence plutôt que de se résigner à l’échec. Ces chiffres étant ce qu’ils sont, le plus surprenant au Kenya n’est pas la violence, mais les longues périodes de calme relatif. Ce calme est dû en partie au fait qu’il existe de la terre disponible pour les jeunes qui arrivent à l’âge adulte.
Mais il serait encore plus surprenant que le Kenya retrouve rapidement une harmonie interne. Dans les quinze prochaines années, environ 8,1 millions de Kényans de sexe masculin arriveront à « l’âge de la bagarre » – de 15 à 29 ans – contre 5,7 millions aujourd’hui. Les terres cultivables non utilisées s’épuisent. Le Kenya risque de connaître une vague de violence comparable à celle de ses voisins.

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