Un programme « Pétrole contre paix » pour l’Irak

Publié le 2 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

En 2002, avant la guerre, le consensus dans l’industrie pétrolière était que l’Irak pourrait produire plus de 3 millions de barils par jour (b/j) avec les gisements existants dans un délai de quelques mois après un transfert de pouvoir. L’infrastructure était en place et la compagnie publique irakienne était d’une grande compétence. Un changement de régime, estimait-on, accroîtrait la production pour financer la reconstruction et même, pensaient les optimistes, pour rembourser les dettes. Dans une poignée d’années, avec l’aide de la technologie et du capital international, l’Irak pourrait produire 5 millions de b/j ou même plus.
La réalité a été bien différente. Ces derniers mois, la production est tombée à moins de 5 millions de b/j, dont une bonne partie est détournée. Avec une demande intérieure dopée par des prix inférieurs aux cours mondiaux, les exportations ont reculé à moins de 1,5 million de b/j – bien en dessous des niveaux d’avant-guerre. Si les champs pétrolifères semblent être, dans l’ensemble, intacts, l’infrastructure, et notamment les oléoducs, a vieilli. Et les investissements depuis la chute de l’ancien régime ont été minimes. Plus grave, il y a eu un exode du personnel qualifié. Si le conflit continue, la production et les exportations pourraient chuter gravement.
Bien entendu, les guerres civiles ont des origines religieuses ou personnelles, mais on peut généralement trouver des facteurs économiques. En Irak, où 60 % du PIB et 89 % des recettes publiques ne proviennent que d’un seul secteur, ces facteurs sont évidents. Les champs pétrolifères du Nord, près de Kirkouk, et ceux du Sud, près de Bassorah, sont l’enjeu du conflit en cours entre l’Armée du Mahdi de Moqtada Sadr, les guérillas peshmerga et les forces sunnites. La conséquence à court terme est une augmentation du prix du pétrole, l’impact à plus long terme est une plus grande insécurité du système énergétique mondial.

Avec environ 50 millions de nouveaux véhicules dans le monde chaque année et aucun substitut crédible au moteur à combustion interne à essence, la demande de pétrole devrait bondir à 100 millions de b/j dans les dix prochaines années. Or les sources d’approvisionnement se concentrent dangereusement. La production de la mer du Nord se réduit de 10 % par an. Celle de l’Alaska est presque 75 % inférieure à son pic de 1987. La mer Caspienne et l’Angola apportent un peu de sang neuf, mais les volumes sont limités par rapport à l’augmentation de la consommation, notamment en Asie. Les vainqueurs en termes de parts de marché seront la Russie et les États du Golfe. En 2020, l’Arabie saoudite devrait exporter 17 millions de b/j pour faire face à la demande mondiale, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. La dépendance à l’égard du pétrole saoudien sera encore plus forte si les autres producteurs ne livrent pas à pleine capacité, ce qui, pour l’Irak, signifie près de 5 millions de b/j. Les réserves nécessaires sont disponibles, grâce notamment à des gisements géants non exploités comme celui de Roumaylah, mais le cadre institutionnel n’existe pas.

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Le cadeau d’adieu le plus utile que la coalition pourrait laisser aux futurs gouvernements de l’Irak est un modèle efficace de renouvellement du secteur pétrolier. Une première étape pourrait être la création d’une compagnie internationale irakienne qui reconnaîtrait le droit de propriété de l’Irak sur les gisements, la nécessité de disposer d’experts et d’une main-d’uvre internationale, et l’intérêt de faire participer les Irakiens à un renouveau économique. L’État détiendrait 75 % de cette compagnie. Le reste, mis aux enchères, serait entre les mains d’un consortium de sociétés internationales, peut-être sur la base d’accords à durée déterminée. La compagnie serait dirigée conformément aux normes internationales les plus strictes, et elle aurait une stratégie simple, qui serait d’accroître progressivement la production des gisements existants et des nouveaux mis en exploitation. Les sociétés étrangères recevraient un juste retour sur leur investissement de personnel et de technologie, et une partie des bénéfices annuels de la compagnie irakienne serait redistribuée aux Irakiens – un dividende qui enrichirait le pays et poserait la première pierre du renouveau économique, condition sine qua non d’un retour à la stabilité.

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