Le nazisme, sujet de best-sellers

La Seconde Guerre mondiale et le génocide juif inspirent de plus en plus de romanciers. Avec le succès commercial, certains déplorent la banalisation et la dépolitisation de ces thèmes.

Publié le 2 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Le nazisme n’en finit pas d’inspirer les romanciers. Rien d’étonnant pour ce qui est des Allemands. Cet épisode sombre de leur histoire imprègne l’uvre du plus célèbre de leurs écrivains en vie, Günter Grass, lauréat du prix Nobel en 1999. À la mi-octobre est sortie son autobiographie, intitulée Pelures d’oignon (Seuil). L’auteur du Tambour (Seuil, 1961) y revient sur ses années de jeunesse, révélant au passage son incorporation dans la Waffen SS, alors qu’il était âgé de 17 ans. Cet aveu tardif de la part d’un homme qui n’a cessé de dénoncer le passé nazi de l’Allemagne a déclenché une polémique qui n’en finit pas de rebondir.
Un peu partout ailleurs en Europe, la Seconde Guerre mondiale, les camps d’extermination et le génocide juif ont fourni la matière à d’authentiques chefs-d’uvre tels que Si c’est un homme de l’Italien Primo Levi (Robert Laffont, 1976) et L’Écriture ou la Vie de l’Espagnol Jorge Semprun (Gallimard, 1994).
En France, l’intérêt pour cet épisode historique reste très vif. Chacun a encore en mémoire le succès époustouflant, l’an dernier, des Bienveillantes (Gallimard), dans lequel Jonathan Littell, jeune écrivain d’origine américaine, se met dans la peau d’un officier SS. Ce pavé de 900 pages, qui a obtenu le Goncourt et le Grand Prix du roman de l’Académie française, s’est déjà vendu à plus de 400 000 exemplaires.
Sans traiter ouvertement du nazisme, l’un des livres phares de cette rentrée, Le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel (Stock), a les camps de la mort et la collaboration pour toile de fond. Dans le flot des livres parus depuis septembre dernier, on relève encore Nuit ouverte de Clémence Boulouque (Flammarion), qui relate la destinée de Regina Jonas, première femme rabbin de l’histoire, morte en déportation à Auschwitz, ou encore Avec vue sur le royaume (Actes Sud) où Jean-Pierre Gattégno met en scène deux défunts voyageant dans un avion en route vers les cieux, un rescapé des camps et le fils d’un criminel de guerre. Sans oublier Le Dernier Frère de Nathacha Appanah (Éditions de l’Olivier), sur la déportation à l’île Maurice de 1 500 juifs de Palestine par les autorités britanniques en 1940 (voir J.A. n° 2435).
L’une des grandes figures des lettres américaines, Norman Mailer, s’était attelée à une biographie de Hitler lorsque la mort l’a fauché, le 10 novembre. Fraîchement accueilli aux États-Unis, le premier volet de ce projet, Un château en forêt (Plon), qui réinvente l’enfance d’un monstre en devenir, est paru en France le 11 octobre.
Autant le livre de Mailer – traité par exemple de « néogothique » dans un article de l’hebdomadaire Marianne – a été malmené par la critique française, autant cette dernière a encensé un autre ouvrage en provenance, lui aussi, d’outre-Atlantique. Dans Les Disparus (Flammarion), Daniel Mendelsohn raconte le sort tragique d’une famille polonaise – celle de son propre grand-oncle – exterminée par les Allemands. Après avoir rencontré un grand succès commercial aux États-Unis, ce livre, fruit d’une très longue enquête, s’est vu décerner en France le prix Médicis étranger.
Certains se réjouissent qu’un tel flot de parutions contribue à maintenir le souvenir de l’horreur et puisse aider à prévenir le retour de la barbarie. D’autres, au contraire, se désolent de voir un tel thème galvaudé. Si Semprun et Levi, suivis en cela par Mendelsohn, cherchent à rendre leur visage aux victimes du nazisme, beaucoup de romans récents, à l’instar de celui de Littell, se placent du côté des bourreaux.
Certes, aucun des ouvrages en question n’est soupçonné de complaisance à l’égard de l’hitlérisme. La question n’est pas morale, mais politique. À force de s’interroger sur les états d’âme des tortionnaires nazis, on en arrive à oublier la nature de leur projet – la planification de la « solution finale » – et l’ampleur de leurs crimes.

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