À quoi joue le RCD ?

En plein débat sur la loi de finances 2009, qui plus est dans un contexte de crise financière internationale, un député du parti de Saïd Sadi stigmatise les faux moudjahidine. Et remet en cause « le chiffre folklorique du million et demi de martyrs ».

Publié le 2 novembre 2008 Lecture : 4 minutes.

À la veille de la célébration du 54e anniversaire du 1er novembre 1954, date du déclenchement de la guerre de libération, et en pleine crise financière internationale, le pays se serait bien passé d’une telle polémique, née lors du débat parlementaire autour de l’adoption de la loi de finances 2009 (voir encadré). Parmi les nombreuses dispositions de ce texte figure un projet d’augmentation du point indiciaire des pensions que perçoivent les anciens moudjahidine (vétérans de la guerre de libération). À la mi-octobre, lors du débat en plénière, le député Noureddine Aït Hammouda, élu du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition laïque, présidé par le docteur Saïd Sadi), fait une déclaration pour le moins explosive en stigmatisant le nombre effarant de faux moudjahidine qui, bien que n’ayant jamais participé au combat libérateur, continuent de percevoir indûment des pensions, grossissant le budget du ministère qui leur est dédié au détriment des secteurs stratégiques de l’Éducation, de la Santé ou de la Justice. Mais Noureddine Aït Hammouda ne s’arrête pas là. Il enfonce le clou en remettant en cause « le chiffre folklorique du million et demi de martyrs », laissant entendre que la guerre de libération a fait tout au plus 400 000 victimes algériennes.

« Hizb frança ! »
Tollé au sein de l’Assemblée populaire nationale (APN, Chambre basse du Parlement), largement dominée par l’Alliance présidentielle composée des nationalistes du Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique) et du Rassemblement national démocratique (RND, du Premier ministre Ahmed Ouyahia), ainsi que des islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas, de Bouguerra Soltani). Les premiers dénoncent « le révisionnisme et l’atteinte au caractère sacré de la Révolution ». Quant aux seconds, tout heureux de pouvoir en découdre avec « les mécréants laïcs du RCD », ils crient au scandale. Les bancs réservés aux membres du gouvernement sont occupés par Karim Djoudi, ministre des Finances, venu défendre son projet de loi, et Mahmoud Khoudri, ministre chargé des Relations avec le Parlement. Membre du FLN, ce dernier est vert de rage. Il s’en prend vivement à Noureddine Aït Hammouda et évoque un concept que l’on croyait révolu en Algérie : Hizb França, le parti de la France, insulte réservée aux « contre-révolutionnaires » et autres opposants à l’époque du parti unique. Difficile, pourtant, de qualifier de la sorte Noureddine Aït Hammouda, fils de l’un des plus grands héros de la guerre de libération : le colonel Amirouche.

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Combat d’arrière-garde
Abdelaziz Ziari, président de l’APN, issu lui aussi du FLN, intervient à son tour pour condamner fermement la déclaration du député du RCD. Le ton menaçant de Ziari provoque le courroux du groupe parlementaire emmené par Saïd Sadi. Ce dernier réclame la parole, elle lui est refusée. Les députés de l’Alliance pétitionnent pour que soit révoqué l’indélicat Aït Hammouda, lequel est soutenu par son parti. Mais le RCD est isolé. Les autres forces de l’opposition, essentiellement les trotskistes du Parti des travailleurs (PT, de Louisa Hanoune), estiment que la polémique engagée par le fils du colonel Amirouche est un combat d’arrière-garde qui pollue le vrai débat : comment faire face à la crise financière ?
Très vite, la controverse quitte les travées de l’Hémicycle. « La famille révolutionnaire », qui regroupe toutes les entités satellites du FLN, contre-attaque. L’Organisation des enfants de chouhada (martyrs de la révolution) et l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) publient des communiqués incendiaires contre le groupe parlementaire du RCD et réclament la révocation pure et simple de tout élu coupable du « péché suprême » d’atteinte à la Révolution. La télévision publique diffuse tous les communiqués des organisations de la famille révolutionnaire. L’opération frise le lynchage médiatique. Évoluant sur un terrain très sensible, le RCD est isolé. « Personne ne nous a soutenus, pas même les rédactions de la presse francophone », déplore un élu du parti.
Mais Saïd Sadi demeure serein. Il est vrai que la demande de révocation des élus n’a aucune chance d’aboutir. Aux termes de la Constitution et du règlement intérieur de l’APN, la révocation d’un député ne peut être prononcée qu’à la suite de la saisine du bureau de l’APN par le ministère de la Justice, ou lorsque l’élu est condamné, à titre définitif, par une juridiction pour un acte indigne de sa mission. Or le gouvernement est resté en dehors de la polémique. Hormis l’intervention intempestive de Mahmoud Khoudri, l’exécutif n’a pas commenté les déclarations de Noureddine Aït Hammouda, ni, a fortiori, engagé de procédure contre le fils du colonel Amirouche. Sans doute l’heure est-elle à d’autres priorités : des intempéries qui ont transformé une partie du pays en zone sinistrée, une échéance électorale cruciale dans moins de six mois, des cours pétroliers qui s’effondrent sur fond de crise financière internationale En regard de ces « petits soucis », les états d’âme du RCD sont une broutille.

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