Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 2 octobre 2005 Lecture : 5 minutes.

Initiation et homosexualité
J’ai beaucoup apprécié votre dossier sur l’homosexualité en Afrique (voir J.A.I. n° 2330). Je voudrais apporter une précision, car l’article « Être gay en Afrique » laisse entendre que l’initiation des jeunes dans la forêt congolaise pourrait être en rapport
avec les pratiques homosexuelles. En réalité, ces initiations consistent à préparer les adolescents à leur vie future d’hommes mariés, car ne peut convoler que celui qui donne la preuve qu’il peut se prendre en charge. Ces pratiques sont positives, au point que l’Église catholique les a récupérées pour former les jeunes dits « de lumière », en parlant, cette fois-ci, de la mystique de la forêt.
À mon avis, l’homosexualité est plutôt un phénomène urbain. À la campagne, la tradition
transmise de père en fils ne la mentionne pas. Le terme n’a d’ailleurs pas d’équivalent
dans les villages, qui connaissent pourtant les mots inceste, viol, misogynie, impuissance.

Piège ethnique
De nombreux pays africains s’enfoncent dans la misère à cause du racisme. Des groupes de personnes y déclenchent des guerres tribales ou ethniques, désignant « les autres » comme
étant « les méchants », à éliminer physiquement. Ces dix dernières années, ce type de guerriers est apparu au Liberia, en Somalie, en RD Congo, au Burundi, au Rwanda, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire.
Si la région des Grands Lacs et très touchée, le cas de la Côte d’Ivoire, récent, devrait inquiéter les pays qui ont encore la chance de vivre en paix. Stable depuis l’indépendance, prospère malgré l’absence de pétrole ou de minerais, elle est devenue un espace livré au racisme. Celui-ci va vite en besogne, car les insatisfactions de la vie sont profondes et nombreuses. Il recrute parmi les laissés-pour-compte, qui se sentent ainsi utiles et considérés, parmi les jeunes toujours prêts à l’aventure et qui tuent alors avec autant d’application que s’ils luttaient pour une vie meilleure avant de
mourir ou de tomber dans une misère pire que celle qu’ils connaissaient auparavant.
En ce qui concerne mon pays, le Burundi, il sort péniblement d’une longue guerre et la communauté internationale a mis de nombreux moyens pour nous « sauver de nos démons ». Mais cette dernière s’est fait piéger par la question ethnique, puisque la nouvelle répartition des pouvoirs se fait selon cet élément. Le racisme officiel arrivera-t-il à sauver le pays ? On peut en douter.

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Atteinte aux lois naturelles
À propos du débat consacré aux mariages gays (voir J.A.I. n° 2332), je pense que la législation sur les mariages homosexuels aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne et au Canada est contre nature et qu’elle constitue une pseudo-réforme du droit du mariage pour qu’il puisse exister entre personnes du même sexe. Il est indécent que gays et lesbiennes se marient et adoptent des enfants et, partant, que notre société impudique humilie les membres qui la composent. Les musulmans jugent ces unions ignobles car illégitimes et illégales, comme peuvent l’être les incestes, l’Église catholique est scandalisée, et, pour les Juifs, c’est une atteinte aux lois naturelles.
NDLR : Cette lettre, il va de soi, n’engage que son auteur.

Bientôt, la Guinée rayonnera
Félicitations pour votre dossier sur la Guinée (voir J.A.I. n° 2333) dans lequel vous analysez la situation économique et sociopolitique de ce pays qu’on dit être le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, mais dont la population croule sous le poids d’une indescriptible misère. La Guinée est en retard à cause de ses deux présidents, Sékou Touré le révolutionnaire et Lansana Conté le soldat. Si cette nation avait eu Houphouët-
Boigny à sa tête, elle serait devenue un havre de prospérité. Houphouët avait choisi d’ouvrir son pays au monde, de pratiquer le libéralisme économique, de favoriser la
scolarisation de la population, d’inciter à l’immigration de bras valides. Le jour où la Guinée aura un chef d’État de cette trempe, alors commencera son rayonnement. Ce jour-là
n’est peut-être pas loin, ne désespérons pas.

Tchad : un premier pas
Grâce à l’intervention des ONG comme Reporters sans frontières, les quatre journalistes tchadiens emprisonnés ont été relaxés. Cette étape, que nous venons de franchir, donne
l’impression que le pouvoir est attentif aux revendications des groupes de pression et c’est certainement un premier pas vers davantage de démocratie.

Français à géométrie variable
En réponse à l’un de vos lecteurs (voir J.A.I. n° 2331, p 94), je voudrais préciser que j’ai entendu, à la radio française, parler de « la Picarde » Amélie Mauresmo, du Basque (revendiqué) Lizarazu, etc. L’identité régionale est donc souvent soulignée et fait la fierté des compatriotes locaux. Il ne faut pas se laisser aller au complexe d’infériorité,
si fréquent en Guadeloupe et à la Réunion. L’exemple le plus frappant est bien l’excellent humoriste Dieudonné, métis se croyant descendant d’esclaves noirs et dont les ancêtres « Noirs » ont vendu à ses ancêtres « Bretons blancs » des esclaves « nègres » pour qu’ils aillent travailler aux Antilles ou dans les Amériques. Cela dit, son sketch hilarant intitulé « Le divorce de Patrick » restera dans les annales comiques.

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Calixthe Beyala irresponsable
Quand on tient à tout prix à se faire aimer par les Européens, on tient des propos comme ceux de la romancière camerounaise Calixthe Beyala (voir J.A.I. n° 2327-2328). Personnellement, je suis contre la méthode choisie pour exproprier les Blancs zimbabwéens
de leurs terres mal acquises. D’autres moyens, plus humains et rationnels, auraient été
meilleurs. Aller jusqu’à dire que « les Africains qui s’installent en Europe y vivent
mieux que dans leurs villages », comme si tous arrivaient de la campagne, faire des parallèles entre eux et les Blancs d’Afrique, c’est irresponsable pour la pionnière que l’écrivaine prétend être. Calixthe Beyala réduit la vie à son seul aspect matériel. Elle refuse d’admettre que les différences de niveau de vie entre Blancs et Noirs en Afrique sont inacceptables. La majorité des Noirs européens ne pourront jamais arriver au niveau des Européens de souche et les Africains d’Afrique sont pauvres car ils ont été dépouillés par les Blancs.

Une solution pour la Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire se trouve à la croisée des chemins. Que faire ? Peut-être faire abstraction du passé récent et s’inspirer de la tradition africaine. Je pense qu’il faut
organiser une conférence nationale souveraine, à laquelle le président Laurent Gbagbo convierait toutes les forces vives de la nation. Le chef de l’État, les responsables de l’administration, les chefs des forces gouvernementales et des forces rebelles, les responsables des groupes parlementaires, les élus locaux, les dignitaires religieux, les
chefs traditionnels s’assembleraient une quinzaine de jours pour trouver la solution de sortie de crise. Ainsi pourraient être définis trois organes qui conduiraient une transition de dix-huit mois, à l’issue de laquelle un scrutin transparent, sans exclusion,
serait organisé. Enfin, une loi d’amnistie accorderait le pardon nécessaire à la cohésion sociale.

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Fini le temps de l’étoile rose !
J’ai apprécié votre courage à traiter le thème délicat de l’homosexualité (voir J.A.I. n° 2330). Pour une fois, le sujet était analysé sans fard par un journal continental. Cependant, je suis choqué par la réaction du médecin tunisien (voir J.A.I. n° 2332, p. 109), qui qualifie cette pratique de « comportement antinaturel ». Comment peut-on penser ainsi de nos jours ? Reprocherait-on à un Noir sa couleur de peau ? Il est heureusement fini le temps de l’étoile, qu’elle soit jaune ou rose, pour stigmatiser les communautés à mettre au ban de la société.

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