Villepin chez lui

Avec la visite du Premier ministre français, natif de Rabat, les deux pays ont affiché leur idylle tout en renforçant leur partenariat.

Publié le 2 octobre 2005 Lecture : 5 minutes.

Pour son premier « vrai » voyage hors d’Europe – il n’assumait que l’intérim de Jacques Chirac lors du Sommet des Nations unies à New York, du 14 au 16 septembre -, le Premier ministre français Dominique de Villepin, 51 ans, ne pouvait rêver meilleur accueil. En visite au Maroc les 26 et 27 septembre dans le cadre de la VIIe Rencontre des chefs de gouvernement, un exercice annuel entre les deux pays, le « Marocain de Matignon », comme l’appelle affectueusement une partie de la presse du royaume, était comme un poisson dans l’eau. Natif de Rabat, où il vécut les cinq premières années de sa vie dans une maison du quartier d’Agdal aujourd’hui rasée, c’est dans la capitale administrative qu’il a entamé la première partie de cette visite menée au pas de charge, emploi du temps démentiel oblige.
Arrivé à l’aéroport de Rabat-Salé, à bord d’un Airbus A-310 siglé « République française » plein à craquer, le 26 en fin d’après-midi, il a été accueilli par son homologue marocain Driss Jettou. La cérémonie d’accueil expédiée, il a déposé une gerbe de fleurs au mausolée où reposent Mohammed V et Hassan II. Puis direction la résidence de l’ambassadeur de France où une réception était donnée en son honneur, avant de rejoindre la primature pour un dîner offert par Driss Jettou.
Si les relations entre les deux pays sont excellentes, à l’image de celles qu’entretiennent le roi Mohammed VI et le président français Jacques Chirac, il convenait tout de même de leur donner « une nouvelle impulsion économique », comme l’a souligné Jettou. Talonnée par l’Espagne sur le marché marocain, la France, premier fournisseur, client et donateur du pays, a mis en oeuvre les grands moyens. Car Villepin n’est pas venu seul. Pas moins de six ministres étaient à ses côtés : Philippe Douste-Blazy (Affaires étrangères), Dominique Perben (Transports, Équipement, Tourisme), Xavier Bertrand (Santé et Solidarités), Brice Hortefeux (Collectivités territoriales), Brigitte Girardin (Coopération, Développement et Francophonie) et Christine Lagarde (Commerce extérieur). Plus une douzaine d’hommes d’affaires dont Jean-René Fourtou (Vivendi), Gérard Pélisson (Accor), Denis Ranque (Thalès), Henri Proglio (Veolia Environnement) ou Yves Thibault de Silguy (Suez). Business is business…
À quelques semaines du début des commémorations du cinquantenaire de l’indépendance du Maroc – le retour d’exil de Mohammed V, le 16 novembre 1955, ayant annoncé la fin du protectorat -, les deux pays tenaient donc à afficher leur idylle. Ici, nulle exigence de repentance de la France pour son passé colonial, comme l’a réclamé Abdelaziz Bouteflika à maintes occasions. La loi du 23 février 2005 « glorifiant » la colonisation française ? Si elle a provoqué un tollé en Algérie, surtout au sein des partis de la mouvance nationaliste soucieux d’en faire un fonds de commerce électoral à l’approche du référendum du 29 septembre, il n’en a rien été au Maroc. Aucun nuage n’est donc venu assombrir l’horizon. Et comme un symbole, c’est à Oujda, au nord du pays et à quelques kilomètres de la frontière algérienne, fermée depuis 1994, que Mohammed VI a reçu Dominique de Villepin, le 27 vers 12 heures. Un entretien d’une demi-heure, prévu à Rabat au départ mais déplacé dans la capitale de l’Oriental puisque Mohammed VI y effectuait une tournée de promotion de son Initiative nationale pour le développement humain (INDH), sorte de plan de lutte contre la pauvreté intégrant l’habitat, les infrastructures de base, la santé, l’éducation et l’emploi, lancée en mai dernier. Outre les questions bilatérales, M6 et Villepin ont également abordé la crise ivoirienne et, surtout, le dossier du Sahara occidental qui empoisonne les relations entre le Maroc et l’Algérie.
Le Premier ministre français n’a pas dérogé à la ligne de conduite habituelle : « la France est en faveur d’une solution politique mutuellement acceptable par les deux pays et élaborée dans le cadre de l’ONU » ou « nous croyons aux vertus du dialogue, il nous faut donc poursuivre sur la voie tracée lors du Sommet de la Ligue arabe en mars dernier [où un net réchauffement des relations entre Mohammed VI et Abdelaziz Bouteflika a été observé avant une nouvelle détérioration] », a-t-il déclaré. Rien de bien croustillant pour la meute de journalistes français et marocains présents…
Le 27 septembre en début d’après-midi, Villepin a repris le chemin de Matignon où il devait tenir dans la soirée un séminaire gouvernemental consacré au budget. Mais le Premier ministre aura accompli sa mission. Le « partenariat stratégique » entre la France et le Maroc a été renforcé par neuf accords dans quatre domaines clés : l’économie, les infrastructures (résorption de l’habitat insalubre), la santé (maintenance hospitalière) et la culture (bouclage, pour 3 millions d’euros, de la dernière tranche de financement de la chaîne de télévision Médi-Sat 1 qui devrait proposer des programmes en français). Et plusieurs contrats « juteux », pour un montant avoisinant 600 millions d’euros. Parmi eux : la mise en place de la carte d’identité sécurisée confiée à Thalès, le partenariat entre La Poste et son homologue marocaine, la rénovation des vingt-sept Mirage F1 marocains et celle des routes rurales. Enfin, Villepin a annoncé une nouveauté : la création d’un groupe d’hommes d’affaires franco-marocains présidé par le PDG de Vivendi Jean-René Fourtou.
Un premier test à l’étranger joué « à domicile » – après celui de New York que l’on annonçait délicat mais qui s’est déroulé sans heurts ; de nouveaux habits de présidentiable qu’il a endossés avec plus d’aisance que prévu ; une popularité croissante pour celui qui « n’a jamais été élu », comme se plaît à le rappeler son ennemi intime et concurrent Nicolas Sarkozy ; et une image d’énarque loin des réalités – et de poète du dimanche – collée par une partie de la presse américaine – qui ne lui a toujours pas pardonné son discours au Conseil de sécurité des Nations unies avant l’invasion de l’Irak – qui commence à s’estomper : Dominique de Villepin joue pour l’instant sur du velours. Mais son « retour aux sources sur cette terre que j’aime » n’aura été qu’une récréation savamment orchestrée. Après le faste et les ors du royaume où il était en terrain conquis, c’est le dur retour à la réalité de la politique intérieure française…

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