Lutte contre le sida et réalités africaines

Publié le 2 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Chacun sait que les Africains sont les principales victimes de la pandémie de sida et que près des deux tiers des personnes vivant avec le VIH se trouvent sur le continent. La maladie détruit les foyers et paralyse les économies. Mais, bien que les jeunes filles et les femmes soient beaucoup plus sensibles à l’infection que les hommes, nous n’avons toujours pas trouvé la volonté politique de les protéger. En Afrique subsaharienne, l’épidémie touche déjà en majorité les femmes. Ainsi, près de 58 % des Nigérians infectés sont du sexe féminin. Qui plus est, presque partout dans le monde, le nombre de jeunes filles et de femmes infectées augmente rapidement.
Si nous n’inversons pas très rapidement la tendance, nous ne réussirons pas à vaincre le fléau. Ayant pris conscience de ce qui se passait dans leur pays, certains gouvernements, dont celui du Nigeria, ont pris des mesures importantes de protection des femmes et des jeunes filles. Il est capital que les pays donateurs et les agences internationales coordonnent leur soutien et encouragent nos efforts. En outre, la politique de nos partenaires doit être adaptée aux réalités africaines. Sinon, elle peut mettre en danger ceux-là mêmes qu’ils cherchent à protéger.
Le gouvernement américain, par exemple, recommande l’abstinence jusqu’au mariage et affirme que c’est pour les jeunes gens la meilleure façon d’éviter l’infection par le VIH. L’abstinence est une stratégie de prévention très importante, mais elle ne peut être la seule. L’accent mis sur l’abstinence suppose que les jeunes peuvent décider librement d’avoir des relations sexuelles. Ce n’est pas vrai des adolescentes nigérianes et de beaucoup d’autres pays. Beaucoup de jeunes filles sont victimes de violences sexuelles et n’ont pas le choix. Beaucoup d’autres sont mariées très jeunes, dès 13 ou 14 ans, bien avant d’être prêtes psychologiquement ou physiquement.
L’abstinence n’est pas une option pour ces jeunes filles, pas plus qu’elles n’ont la possibilité d’obtenir de leur partenaire qu’il utilise un préservatif. Au Nigeria, il est inacceptable qu’une jeune fille ou une femme demande à son partenaire de mettre un préservatif ; 23 % seulement des hommes et 8 % des femmes utilisent régulièrement des préservatifs et, comme ailleurs, presque personne n’en met avec son conjoint ou son partenaire habituel.
Au Nigeria, même si c’est triste à dire, nous savons parfaitement que les jeunes filles et les femmes n’ont absolument aucune liberté de décider quand, où et avec qui elles auront des relations sexuelles. C’est pourquoi il faut tenir compte de ces réalités. Un point essentiel de notre politique nationale est le Programme d’éducation sur le sida et la famille, conçu en association avec les organisations communautaires. Dans un pays qui compte plus de 250 ethnies, cultures et langues, ce programme a pour objectif de proposer des mesures adaptées aux besoins spécifiques de chacun des 37 États nigérians.
Il suit les jeunes de l’école primaire à l’université et s’attache à des problèmes clés tels que l’estime de soi ou les relations entre filles et garçons, tout en leur donnant des informations factuelles sur leur corps, sur la grossesse et sur la maladie.
Ce n’est qu’en éduquant les Nigérians dès leur plus jeune âge et en profondeur que nous pourrons nous attaquer aux habitudes de violence et de domination sexuelle, de mariage précoce et de comportement sexuel à risque. Cette manière de faire peut aider les jeunes à se respecter et à se protéger, et à former leurs enfants.
Nous savons aussi que nous devons investir bien davantage dans des services de gynécologie et de planning familial, afin qu’ils puissent être consultés par des jeunes filles et des femmes qui auraient peur de la violence et de la stigmatisation.
Outre cette éducation de la jeunesse et cet accès aux services de santé, nous cherchons aussi à donner aux femmes des moyens de se protéger. Nous travaillons, par exemple, avec le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) à faciliter l’emploi du préservatif féminin. Nous avons aussi des programmes de recherche qui étudient les possibilités d’utilisation des microbiocides dans nos communautés.
Protéger du sida les femmes et les jeunes filles exige une collaboration sincère et efficace avec les donateurs internationaux qui sont prêts à engager un dialogue ouvert et franc sur ce qui fonctionne dans nos pays.
Il est vital que les partenaires du développement n’imposent pas leur idéologie ou leur politique comme condition du partenariat. Les gouvernements nationaux doivent être libres d’appliquer les meilleures stratégies à leur disposition pour aider leurs populations.

* Président du Comité national de lutte contre le sida du Nigeria.

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