La Mauritanie a encore des filons à creuser
Les investisseurs commencent à s’intéresser au pays. Une évolution récente, qui explique le retard pris dans de nombreux projets.
« Petit à petit, la Mauritanie devient attrayante pour les investisseurs miniers ! » se félicite Thierry Lauriol, avocat au cabinet Jeantet Associés, qui travaille depuis une quinzaine d’années sur les dossiers relatifs au sous-sol du pays. « Les procédures d’attribution des licences sont plus claires et plus rapides. Depuis le premier code minier, en 1999, les autorités ont réussi à mettre en place une législation équilibrée. Après les révisions de 2008 et 2011, le pays peut s’enorgueillir de disposer de normes sociales et environnementales adaptées. L’obtention par l’État d’une participation gratuite de 10 % dans tous les projets miniers avec une option complémentaire contributive de 10 % est aussi une bonne chose », énumère l’avocat français.
Géant
Bien qu’ayant une tradition minière, la Mauritanie n’apparaissait guère dans le radar des investisseurs étrangers jusqu’au début des années 2000. La Société nationale industrielle et minière (Snim), qui a commencé l’exploitation des gisements de la région de Nouadhibou dès 1963, est longtemps restée omniprésente. Le groupe, détenu à 78 % par l’État, était en 2010 le second exportateur de fer sur le continent, avec 11 millions de tonnes vendues. La construction de l’usine d’enrichissement de Guelb II pourrait augmenter sa production de 4 millions de tonnes par an.
Mais aujourd’hui, le géant Snim n’est plus seul. Plusieurs groupes privés sont venus s’installer à Nouakchott. « Nous avons été les premiers étrangers à investir en Mauritanie dans les métaux de base », raconte Bill Wakabayashi, directeur général des opérations de Mauritanian Copper Mines, qui a démarré la production en 2006. La filiale du géant First Quantum extrait annuellement entre 35 000 et 37 000 tonnes de cuivre et entre 2 et 2,9 t d’or depuis 2009. Cette production devrait encore progresser de 5 % à 10 % avec 82 millions de dollars (environ 62 millions d’euros) d’investissements complémentaires prévus d’ici à la fin de 2014. « Pour First Quantum, c’est un projet de taille moyenne : il pèse seulement 10 % de ce que nous produisons en Zambie. Mais nous avons le soutien des autorités et notre modèle économique est bon », ajoute le Canadien.
Ailleurs, des défis restent à relever. Dans la filière aurifère, le gisement de Tasiast (à 300 km au nord de Nouakchott) est entré en production en 2008. En 2011, il a fourni 6,2 t du précieux métal. Un programme d’investissement de 1,5 milliard de dollars est prévu pour faire de cette mine d’or la plus importante au monde d’ici à la fin de 2014. Afin d’obtenir le projet, le canadien Kinross a versé 7,1 milliards de dollars pour acquérir Red Back Mining, qui en avait démarré l’exploitation. Une opération qui aurait, selon ses détracteurs, entraîné une évasion fiscale sur les bénéfices des trois premières années. À cause de ces accusations, mais aussi des relations tendues sur le terrain, des grèves ont éclaté en juin dernier. « C’est la première expérience africaine de Kinross, relève Thierry Lauriol. Le groupe se montre parfois peu diplomate. Le fait que ses expatriés refusent d’habiter dans le pays et soient logés aux îles Canaries a pu heurter les sensibilités locales. »
Dans le fer, le suisse Xstrata mène, lui, deux grands projets, à El Aouj-Askaf (Nord-Ouest) et Lebtheinia (Ouest). Mais les résultats des études se font attendre pour lancer la phase de développement. Avec le rapprochement opéré au niveau mondial entre le minier et la multinationale de négoce Glencore, la plupart des investissements de Xstrata en Mauritanie ont été gelés.
Il faudra donc encore du temps avant que les miniers mauritaniens fassent fructifier toutes leurs richesses, mais comme en témoigne la forte affluence d’investisseurs au salon Mauritanides d’octobre 2012, ils suivent le bon filon.
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