Panorama carcéral

Publié le 2 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Salué par le Prix du jeune reporter de la ville de Perpignan, dans le sud de la France, lors du 19e Festival international du photojournalisme Visa pour l’image (du 1er au 16 septembre), Mikhael Subotsky, photographe à l’agence Magnum, s’est intéressé au système correctionnel de son pays, l’Afrique du Sud, au moment des élections générales de 2004. À l’époque, une polémique faisait rage à propos du droit de vote des prisonniers. Peut-on donner sa voix à l’un ou l’autre alors que l’on purge une peine de prison ? « J’ai été particulièrement ému par la position du chef de la Cour suprême sud-africaine, Arthur Chaskalson, ancien avocat de Mandela, qui défendait le droit de vote des prisonniers », se souvient Subotsky, qui, depuis, aime à répéter une phrase de l’ancien président : « On dit que personne ne peut vraiment connaître une nation sans être passé par l’une de ses prisons. Il ne faut pas juger une nation sur le traitement qu’elle réserve à ses citoyens respectables, mais plutôt sur ce qu’elle réserve aux citoyens à problèmes. »
Il y a du monde dans les photographies panoramiques du jeune Sud-Africain. Beaucoup de monde. Ainsi, dans une image prise au sein de la prison de haute sécurité de Pollsmoor, au Cap, on peut compter cinquante-quatre détenus. Ce qui ne serait pas énorme s’ils n’étaient entassés dans un espace prévu pour dix-huit personnes.
Né au Cap il y a vingt-cinq ans, Mikhael Subotsky n’a pas vraiment connu l’apartheid. « J’ai grandi dans un environnement privilégié, largement épargné par la réalité de l’apartheid, confie-t-il. J’ai néanmoins appris très jeune à en critiquer l’existence. J’avais 9 ans quand Mandela a été libéré, et c’est à ce moment que ma conscience politique et sociale s’est développée. » Le jeune homme a découvert la photographie un peu plus tard, en 2000, après avoir acheté un appareil photo lui permettant de garder une trace de ses voyages. Depuis, il est exposé à la South African National Gallery du Cap, à la Johannesburg Art Gallery et au musée d’Art moderne de New York ! Il faut dire que le projet universitaire qui lui a permis d’obtenir son diplôme en 2004 a frappé les esprits. L’uvre en question, Die Vier Hoeke, c’est-à-dire « les quatre coins », entraîne le spectateur à l’intérieur des geôles sud-africaines. Cette approche, souvent terrifiante, jamais méprisante, toujours respectueuse, lui a valu de nombreux prix – notamment celui des jurés aux Rencontres de Bamako, en 2005.
Depuis, Subotsky a poursuivi son travail sur le sujet, réalisant en particulier des images panoramiques dans des lieux particulièrement exigus. « Les panoramas, explique-t-il, sont une réponse spécifique à une question difficile : comment représenter le mieux possible ces cellules terriblement surpeuplées ? À proprement parler, les panoramiques étendent le cadre horizontalement, mais représenter une vision à 360 degrés sur une surface plane entraîne une déperdition due à la distorsion. Cela dit, les panoramas sont aussi une référence au panoptique étudié par le philosophe français Michel Foucault et à la surveillance institutionnelle. » Imaginé au XVIIIe siècle par le philosophe anglais Jeremy Bentham, le panoptique était un type d’architecture carcérale permettant d’observer tous les prisonniers sans que ceux-ci se sachent observés. Il visait surtout à réduire le nombre de geôliers, et donc les coûts de personnel
Étrange renversement : avec ses panoramiques, Subotsky transporte à l’extérieur de ce monde clos tout ce que les prisonniers nous disent de la société sud-africaine, où « peu de gens nieront que les maux institutionnalisés de l’apartheid façonnent encore le quotidien ». Et ce travail, il le poursuit en conduisant des ateliers de photographie à l’intérieur des prisons, avec les détenus, et en s’intéressant également à ceux qui en sortent et cherchent à se réintégrer.

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