Des réseaux en devenir

Peu de pays du continent échappent aux appétits de croissance des trois principaux groupes marocains.

Publié le 2 septembre 2007 Lecture : 4 minutes.

L’assainissement et la concentration du secteur bancaire marocain depuis la fin des années 1990 a donné à ses acteurs nationaux une assise financière solide et une longueur d’avance sur leurs voisins maghrébins en matière d’ingénierie financière. Filiale de l’Omnium nord-africain et partenaire de l’espagnole Banco Santander, Attijariwafa Bank (AWB) a enregistré un produit net bancaire (PNB) en hausse de 20 % à 6,78 milliards de dirhams (DH) en 2006. Elle occupe le premier rang en termes de dépôts (27,5 %) et de crédits (25 % des crédits par décaissements distribués, 30,8 % des engagements par signature). Le groupe public des Banques populaires a enregistré un PNB consolidé de 6,2 milliards tandis que la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE), deuxième banque privée, a vu le sien augmenter de 16,3 % à 3 milliards.

Les banques marocaines ont acquis aujourd’hui un niveau de maturité qui les pousse à conquérir de nouveaux territoires. Outre le marché des Marocains résidant à l’étranger (MRE), c’est en Afrique que se situe leur champ de bataille, avec pour chacune des stratégies propres : dominante corporate pour la BMCE, banque de détail pour AWB et pour les Banques populaires, qui insistent sur la notion de proximité.
BMCE vient de franchir un pas décisif cette année en signant un accord pour le rachat de 35 % du capital d’African Financial Holding (AFH), qui contrôle le groupe Bank of Africa (BOA). « BOA sera notre réseau de banques commerciales. Elle nous a séduits parce que c’est un réseau fondamentalement sain et jeune », explique Jaloul Ayed, administrateur-directeur général de BMCE-Bank. « La BMCE peut apporter à BOA des compétences dans de nombreux domaines : monétique, transferts des Africains résidant à l’étranger, nouvelle configuration du réseau (spécialisation des agences), stratégie de proximité » Des fonds propres, aussi, après la défection de la Belgolaise, ancien partenaire de BOA.
Né en 1982 en Afrique de l’Ouest, Bank of Africa a étendu sa présence à onze pays : Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Kenya, Madagascar, Mali, Maurice, Niger, Sénégal et plus récemment, Ouganda (avec le rachat de Allied Bank fin 2006) et Tanzanie (avec l’intégration de Eurafrican Bank en 2007). BOA a également obtenu un agrément bancaire à Maurice et devrait y ouvrir une filiale cette année. « La liste des prochaines ouvertures est longue, affirme Jaloul Ayed, notre objectif étant de couvrir 15 pays d’ici à la fin de l’année et 20 à la fin de 2008. » Un véritable redéploiement pour une enseigne qui, jusqu’à maintenant, était surtout présente au Sénégal à travers BMCE Capital, conseiller de l’État du Sénégal et architecte du montage financier du nouvel aéroport international de Dakar.

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Attijariwafa Bank n’est pas en reste, avec l’acquisition en janvier dernier de 66,6 % de la Banque sénégalo-tunisienne (6 % des parts du marché sénégalais), quelques mois seulement après l’installation de sa filiale Attijariwafa Bank Sénégal, qui compte déjà trois agences et un PNB de 1,45 million de DH. Les deux entités devraient donner naissance à Attijari Bank Sénégal. Quelques produits ont déjà été lancés comme les transferts d’argent (Western Union), la monétique (Carte Visa, Pack Yeksil). Si la BST était orientée PME-PMI, « la nouvelle stratégie sera axée sur la banque de détail », précise Ismail Douiri, du pôle Finance, transformation et opérations. On pressent des visées au Niger, au Burkina, en Guinée équatoriale et, comme pour BMCE, au Gabon, où les entreprises marocaines sont très présentes.
Via la Banque centrale populaire (BCP), le groupe des Banques populaires s’est également implanté en Afrique subsaharienne en 1990 : en Guinée avec la Banque populaire maroco-guinéenne (53,74 % BCP, 43,4 % État guinéen) et en Centrafrique avec la Banque populaire maroco-centrafricaine (57,5 % BCP, 37,5 % État centrafricain, 5 % BMCE Bank). Il compte un maximum de trois agences dans chacun des pays et une part de marché respective de 5 % et 26 %. « Ces filiales ont dépassé une situation difficile de départ et se trouvent désormais, malgré le contexte dans un train de rentabilité », assure un cadre de la banque, qui avoue également des ambitions au Sénégal, mais aussi au Congo.

Mais s’il est un terrain de chasse naturel pour le Maroc, c’est bien l’Afrique du Nord. La Tunisie ne délivrant plus d’agréments, la privatisation de banques même de petite taille est très convoitée. Celles, en cours, de la Banque franco-tunisienne (BFT) et Banque tunisio-koweïtienne (BTK), ont attiré la candidature des trois principales banques marocaines : Attijariwafa Bank pour la première, Banques populaires pour la seconde et BMCE pour les deux. AWB, plus serein, a déjà raflé avec son actionnaire espagnol Santander, 33,5 % du capital de la Banque du Sud en novembre 2005 (entre 8 % et 9 % de parts de marché), au nez et à la barbe de la française BNP Paribas. Sa filiale rebaptisée Attijari Bank accuse encore des pertes en 2006, mais près de 130 millions de dinars tunisiens (75 millions d’euros) sont venus renflouer le capital.
En Algérie, les deux établissements privés attendent avec impatience le résultat de leur demande d’agrément pour faire cette fois de la banque universelle. BMCE s’est associée au français CIC, à la BEI, à San Paolo Imi et à Banco Espirito Santo. Restent la Libye et surtout la Mauritanie que convoitent également les Banques populaires avec un peu d’avance puisqu’une demande d’agrément a déjà été déposée. « Notre business correspond parfaitement aux besoins de la région : bancarisation, soutien des PME-PMI et de l’artisanat, développement du microcrédit, via notamment la Fondation BP pour le microcrédit », affirme un directeur de la banque. Pas question de se limiter aux grandes entreprises et au commerce extérieur. Composé de la BCP et de ses onze Banques populaires régionales, le groupe dispose d’un réseau conséquent, qui couvre l’arrière-pays marocain, quand la plupart des banques privilégient les pôles économiques. Et prise indépendamment de son groupe, la BCP, cotée en Bourse depuis 2004, a remporté la palme de la rentabilité en 2006.

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