Au pays des cybercafés

Depuis dix ans, les établissements proposant une connexion Internet font florès. Et permettent à la population de rester « branchée » sur le monde.

Publié le 2 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Onze ans après le lancement à Dakar du Métissacana, premier cybercafé de l’Afrique de l’Ouest francophone, les accros à Internet sont de plus en plus nombreux au Sénégal et les « cybers » ont poussé comme des champignons. Leur nombre est estimé aujourd’hui à 800 à travers le pays. Selon l’Observatoire des systèmes d’information, réseaux et inforoutes du Sénégal (Osiris), le nombre d’abonnés Internet était de 30 360 en décembre 2006, dont 28 926 en ADSL (haut débit), soit un total de 540 000 internautes sur une population d’environ 11 millions d’habitants (voir tableau).
Dans les cybercafés, rares sont les clients qui acceptent d’abandonner clavier, écran et souris pour se prêter au jeu des questions-réponses. Il faut dire que leur temps est précieux : une heure de connexion, pour « discuter » avec un parent, un conjoint ou un camarade résidant à l’étranger, coûte en moyenne 250 F CFA (0,38 euro). Pape, un mareyeur de 29 ans, habitant la banlieue dakaroise, se connecte environ trois fois par semaine pour « papoter » en ligne avec ses proches. Un ami français, rencontré via le Net, a même déjà fait le voyage jusqu’au Sénégal pour le voir. « Grâce à Internet, dit-il, je connais mieux le monde. » De son côté, Mor, 29 ans, soudeur, raconte comment il peut gérer son « petit tourisme » grâce à la Toile. « C’est très efficace pour attirer les étrangers au Sénégal, particulièrement les Européens. On gère tout à distance et c’est beaucoup moins cher que le téléphone. » Moins bavardes et pourtant « chateuses » (utilisatrices du chat, messagerie interactive du Net) très régulières, les jeunes femmes constituent également une bonne clientèle pour les cybercafés. À la recherche de l’âme sur, quelques-unes d’entre elles se rendent fréquemment sur les sites de rencontres. Sans toutefois le crier sur les toits. « Certaines personnes associent leur démarche à de la prostitution », déplore Alice, gérante d’un cybercafé de Dakar. Les étudiants sont aussi de fidèles clients. N’ayant pas d’ordinateur chez eux, ils utilisent le matériel mis à leur disposition pour faire des recherches, saisir et imprimer leurs travaux.

À l’instar de Dakar, la plupart des villes du Sénégal, même les plus éloignées de la capitale, ont leurs « cybers ». À Thiaroye-sur-Mer dans la banlieue dakaroise, les trois cybercafés font toujours le plein. Un succès qu’Aly Guèye, le propriétaire de Cyber-Océan, le premier établissement du quartier, explique par le désir des jeunes d’être « branchés » sur le monde. « Beaucoup d’habitants ne quittent jamais la ville. Grâce à Internet, ils écoutent les derniers tubes venus des États-Unis et regardent des clips. » Même les plus jeunes s’y mettent. Filles ou garçons, les enfants viennent entre amis pour disputer des parties de jeux vidéo ?en ligne.
Compte tenu des profils variés des utilisateurs, il reste difficile de définir l’« internaute type » au Sénégal. Le chef d’antenne de Sonatel multimédia, Claude Foly, constate néanmoins que les consultations sont beaucoup plus nombreuses en semaine, durant les heures de bureau, que le week-end. « Malgré le grand nombre de cybercafés, la majorité des utilisateurs sont des travailleurs qui n’ont pas Internet chez eux », observe-t-il tout en soulignant que les forums des discussions (rencontres, débats de société, correspondances, etc.) et les petites annonces ont les préférences des internautes sénégalais.
Dès son accession au pouvoir en 2000, le président Abdoulaye Wade a affiché sa volonté de réduire la fracture numérique et de développer les Technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le pays. Le gouvernement dispose lui-même d’un site sur lequel l’internaute peut trouver de nombreuses informations concernant les institutions, les démarches administratives ou les projets en cours La gendarmerie a également inauguré son « portail » dans le but « de communiquer en temps réel avec le public ». Cette année, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, la plupart des candidats, de Robert Sagna à Moustapha Niasse en passant par Ousmane Tanor Dieng, ont créé leurs pages Internet, qui continuent d’ailleurs d’être alimentées.
Depuis les précurseurs tels que Seneweb, Nettali ou en Rewmi, de plus en plus de sites administrés au Sénégal mettent à disposition des internautes de nombreuses informations (offres d’emploi, achat-vente, voyages, rencontres, etc.). L’arrivée d’Internet dans le pays a, en outre, favorisé l’apparition de sociétés comme Manobi, qui proposent des prestations encore peu connues des entreprises (géolocalisation, information sur les marchés). La première agence matrimoniale en ligne amcsamour.sn a même été lancée il y a deux ans. Autant de services qui attirent toujours plus d’accros au Web. Car, en dépit du montant encore élevé des abonnements à l’ADSL (de 19 900 F CFA à 72 000 F CFA), la majorité des Sénégalais se disent prêts à installer le Net à domicile. En attendant, les portes des cybercafés sont toujours grandes ouvertes.

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