Les fonds d’investissement au secours de la santé
Encore émergent en Afrique, le secteur retient de plus en plus l’attention des fonds d’investissement. Médicaments, assurances, cliniques… Le potentiel est énorme.
La tendance est nette. « Dans le secteur de la santé, les opportunités sont de plus en plus nombreuses, même si elles sont encore émergentes », constate Sofiane Lahmar, associé au sein du capital-investisseur panafricain Development Partners International (DPI). Boom démographique, vieillissement de la population, essor des maladies non transmissibles (cancer, diabète, etc.), aspiration à une meilleure prise en charge sanitaire, continent largement sous-médicalisé… Tous les ingrédients sont réunis en Afrique pour que la consommation de soins décolle dans les années à venir. Et avec elle l’intérêt des investisseurs financiers pour ce secteur longtemps délaissé.
La Société financière internationale (SFI), bras armé de la Banque mondiale pour le secteur privé, évaluait à 22,5 milliards d’euros entre 2010 et 2016 les besoins d’investissement dans ce secteur sur le continent. Selon l’institution, ce marché serait même l’un des plus prometteurs en termes de rendement. « Le contexte est favorable, la santé devient un secteur stratégique », confirme Kodjo Aziagbe, associé pour l’Afrique de l’Ouest francophone d’Abraaj Capital.
De fait, la plupart des fonds opérant en Afrique intègrent désormais le secteur de la santé dans leurs objectifs d’investissement. Deux d’entre eux sont même entièrement consacrés à ce créneau : le discret Investment Fund for Health in Africa, fondé en 2007 aux Pays-Bas et doté de 50 millions d’euros, et l’Africa Health Fund (lire encadré), créé en juin 2009 avec le soutien de la Fondation Bill & Melinda Gates et de plusieurs bailleurs de fonds, et qui compte déjà six investissements à son actif.
Les montants injectés dans les entreprises sont assez variables : de quelques centaines de milliers d’euros, comme dans le cas de l’investissement de XSML dans la clinique SOS Médecins de nuit, en RD Congo, à une trentaine de millions d’euros. En termes de segments d’activité, la production de médicaments retient traditionnellement l’attention. « Tous les fonds s’intéressent potentiellement à l’industrie pharmaceutique, un secteur en forte croissance et plus susceptible que d’autres de fournir des rendements élevés [de l’ordre de 25 % à 30 %, NDLR] », constate Sofiane Lahmar. Proparco, filiale de l’Agence française de développement (AFD), est ainsi entré au tour de table de la branche Afrique du fabricant indien de génériques Strides Arcolab. Les compagnies d’assurances privées sont également devenues un secteur de prédilection des financiers africains, attirés par les faibles niveaux de pénétration de la couverture santé sur les principaux marchés.
« Ce qui est nouveau, c’est l’investissement dans des cliniques ou des centres de dialyse, analyse Sofiane Lahmar. Les opportunités qu’on observe se trouvent plutôt dans les pays anglophones, le poids du secteur public étant plus important chez les francophones. » Mais le modèle diffère quelque peu : si les investissements dans la pharmacie et l’assurance santé sont un pari sur la généralisation des traitements et des médicaments en Afrique, ceux réalisés dans les cliniques visent plutôt à profiter de l’appétence des Africains les plus aisés pour des soins de haute qualité. « L’objectif est de convaincre ces personnes de se faire soigner dans de bonnes institutions privées en Afrique plutôt que d’aller en Europe », souligne Farid Fezoua, patron Afrique de GE Healthcare.
L’incontournable Africa Health Fund
Ciblant un taux de rentabilité interne brut de 15 %, l’Africa Health Fund (AHF) ambitionne de faciliter l’accès à des services de santé abordables et de qualité, notamment au sud du Sahara. Depuis l’acquisition de son gestionnaire Aureos Capital par l’émirati Abraaj Capital, « cette stratégie pourrait s’étendre à l’Afrique du Nord », note Kodjo Aziagbe, associé d’Abraaj. Doté de 80 millions d’euros depuis décembre 2011, l’AHF a déjà acquis des participations dans plusieurs entreprises, notamment au Kenya. Seul investissement côté francophone : la clinique Biasa, au Togo, qui a reçu 1,4 million d’euros en juillet 2012. L’AHF prévoit de réaliser une vingtaine d’investissements de 190 000 à 3,8 millions d’euros d’ici à 2014. F.R.
Si le secteur dans son ensemble intéresse les financiers, la jeunesse des entreprises de la santé et leur faible maturité ont jusqu’à présent empêché la finalisation de grosses opérations. « À part le Nigeria et l’Afrique du Sud, les pays africains n’ont pas un niveau de développement ni un réseau de cliniques qui nous permettraient de trouver un investissement à notre mesure, à savoir de 50 millions à 100 millions de dollars par transaction [de 37,5 millions à 75 millions d’euros] », confirme Vincent Le Guennou, coprésident d’Emerging Capital Partners.
Taille critique
Jide Olanrewaju, associé chez Satya Capital, souligne ce problème de taille critique : « Les entreprises de santé sont petites et, de ce fait, il faut créer des synergies entre elles, essayer de mettre en place des partenariats, par exemple en rassemblant des spécialistes. » « À mesure que la classe moyenne émerge et qu’on passe de l’informel au formel, l’accès aux soins privés va se développer, ce qui justifiera la création d’un plus grand nombre de centres de santé privés d’une taille susceptible d’intéresser les fonds d’investissement », prédit toutefois Vincent Le Guennou.
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