La Constitution dans le texte

Publié le 2 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

« Nous avons fait l’expérience des régimes d’exception, des despotes éclairés et de l’embrigadement. Il est temps pour nous de nous rallier à la démocratie véritable, constitutionnellement consacrée, qui nous permettra de maîtriser enfin notre destinée. » Président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), le colonel Ely Ould Mohamed Vall n’a pas ménagé ses efforts pour convaincre ses compatriotes de voter oui au référendum constitutionnel du 25 juin. Avec le succès que l’on sait. Les modifications apportées à la Loi fondamentale mauritanienne, qui datait du 20 juillet 1991, vont se traduire par une réforme en profondeur des institutions.
Principale disposition concernée, l’article 26, qui stipulait que « le président de la République est élu pour six ans au suffrage universel direct. [] Est éligible à la présidence tout citoyen né mauritanien jouissant de ses droits civils et politiques et âgé d’au moins 40 ans. » La nouvelle mouture du texte prévoit que le chef de l’État est élu pour cinq ans, son mandat n’étant renouvelable qu’une seule fois. Tout candidat à la magistrature suprême devra en outre être âgé de plus de 40 ans et de moins de 75 ans.
Pour garantir le mécanisme d’alternance constitutionnelle, le texte met en place deux verrous. Le premier est religieux : le président élu devra faire, « au nom d’Allah », le serment de « ne point prendre ni soutenir une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel ». Une clause symboliquement et moralement très contraignante dans une République islamique.
Le second verrou est juridique. Selon le nouvel article 99, « aucune procédure de révision constitutionnelle ne peut être engagée si elle remet en cause le principe du quinquennat renouvelable une seule fois ». En cela, la Mauritanie innove. Si de nombreux pays africains (Sénégal, Ghana, Mali, etc.) ont choisi de limiter le nombre des mandats présidentiels, ils ne vont pas aussi loin pour s’assurer que cette disposition sera respectée.
La Mauritanie a été, depuis l’indépendance, le théâtre de nombreux coups d’État. Elle a vu défiler plusieurs chartes constitutionnelles taillées sur mesure pour les dictatures militaires qui se sont succédé de 1978 à 1991. Le nouveau régime entend rompre définitivement avec ces pratiques et mettre en place des institutions réellement démocratiques : « Personne ne pourra plus se prévaloir d’un quelconque droit à s’éterniser au pouvoir et, l’alternance se faisant légalement, aucun coup de force ne pourra plus trouver sa justification aux yeux de l’opinion nationale et internationale. » Si la nouvelle Constitution instaure un régime de type présidentiel octroyant au chef de l’État de larges prérogatives, dont celle de nommer le Premier ministre, le Parlement a le pouvoir de manifester sa défiance ou de censurer le gouvernement.
Pour éviter un mélange des genres préjudiciable aux affaires publiques, le président de la République se trouve désormais placé au-?dessus des contingences politiciennes : une disposition lui interdit d’exercer une quelconque fonction partisane, contrairement, par exemple, à l’ancien président Maaouiya Ould Taya, qui dirigeait parallèlement le parti au pouvoir.
Au total, la nouvelle Loi fondamentale constitue une excellente base en vue de l’instauration d’une vraie démocratie. Mais ce n’est qu’un texte abstrait qui ne prendra véritablement son sens que par les actions concrètes qu’il inspirera. Les bonnes Constitutions ne manquent pas en Afrique, mais peut-on dire que ce continent est le plus démocratique et le plus respectueux des droits de l’homme ? À de bons textes doit s’ajouter ce que les juristes appellent « la conscience de tous de devoir respecter la règle ». De ce point de vue, l’engagement pris par le colonel Vall pendant la campagne référendaire, et réitéré après la victoire du oui, de se retirer du pouvoir à l’issue de la présidentielle de mars 2007 est fort encourageant.

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